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REVUE DRAMATIQUE

Comédie Française : Smilis, drame en 4 actes, en prose, de M. Jean Aicard.

M. Jean Aicard, poète, a fait représenter Smilis, drame en prose, à la Comédie-Française. Je ne serais pas surpris si, à l’heure qu’il est, il murmurait en regardant du coin de l’œil certains auteurs dramatiques, l’orgueilleuse « plainte d’un Icare, » telle que l’a notée Baudelaire :

Les amans des prostituées
Sont heureux, dispos et repus ;
Quant à moi, mes bras sont rompus
Pour avoir étreint des nuées !

Aicard, Icare, c’est tout un dans l’espèce, — qu’on me passe la turlupinade ! Étreindre des nuées, c’est justement ce qu’a fait, en imaginant Smilis, l’ingénieux rimeur des Poèmes de Provence, de la Chanson de l’enfant, de Miette et Noré.

Il avait écrit pour la Comédie-Française, avant cet ouvrage, une traduction d’Othello et une petite comédie, Davenant, l’une et l’autre en vers. Apres avoir accueilli l’une et l’autre, MM. les sociétaires n’avaient représenté de l’une qu’un seul acte, une seule fois, dans une soirée extraordinaire ; ils n’avaient représenté l’autre qu’à Londres et puis, une seule fois, dans une matinée, à la Porte-Saint-Martin. Smilis, après plusieurs années, devait réparer ces mécomptes. M. Aicard, aujourd’hui, maudirait un peu le genre humain, il apostropherait in petto la race des auteurs dramatiques et se consolerait en répétant une strophe vengeresse, qu’il faudrait l’excuser. Le certain est que son aventure a de la noblesse et que beaucoup de gens de théâtre, et des plus heureux, n’ont que peu de mérite à ne pas