Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/915

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heure la fascination de l’Espagne, il en étudia la langue, les mœurs et l’histoire. Il y fit de nombreux voyages, il s’éprit du génie espagnol, et l’étudia sous toutes les formes. En 1848, il publia des Annales des artistes espagnols ; en 1852, il fit paraître la Vie monacale de Charles-Quint. Bibliophile et amateur d’art en même temps que d’histoire, il donna en 1870 les Principales Victoires de Charles V avec un grand nombre de belles illustrations ; et deux ans après, il fit paraître un ouvrage publié avec un grand luxe et tiré seulement à cinquante exemplaires, les Portraits au XVIe siècle. Il semble que Stirling évitât la réputation avec autant de soin que d’autres la recherchent ; il donna encore la Procession du pape Clément VII et l’empereur Charles V d’après les dessins de Hogenborg et fit précéder ces dessins d’une introduction historique ; au moment de sa mort, on mettait sous presse : Anvers délivrée en 1577. Il mourut sans avoir publié son Don Juan d’Autriche, un ouvrage auquel il avait travaillé pendant vingt-cinq ans et que l’on trouva entièrement achevé. L’historien se cachait dans tous les livres que nous avons d’abord cités derrière l’iconographe : dans Don Juan, l’iconographe prend sa place derrière l’historien. Celui-ci avait reculé pour ainsi dire devant la grande figure de Charles V, il l’avait étudiée sans essayer de la peindre et n’en avait montré en quelque sorte que les accessoires. Pour don Juan, il se proposa de faire une histoire véritable ; il est difficile de ne pas s’apercevoir, en la lisant, qu’il avait fortement subi l’influence de Macaulay et qu’il chercha à prendre sa manière large, un peu oratoire, riche en descriptions et en développemens ; une sorte de modestie naturelle arrête pourtant toujours sa rhétorique à temps, et son enthousiasme, pour n’être pas toujours retenu par la critique et par la profondeur du moraliste, l’est ordinairement par le bon goût et une décence naturelle.

Don Juan d’Autriche naquit, le 24 février 1547, à Ratisbonne. Charles-Quint résida dans cette ville du 10 avril au 4 août 1546, pendant qu’il préparait une campagne contre l’électeur de Saxe et les princes protestans. Il y connut Barbara Blomberg ; elle était belle, elle avait une jolie voix, et l’empereur aimait à la faire chanter et jouer devant lui « pour se distraire, dit Stirling, de la mélancolie qui l’accablait depuis la mort de l’impératrice Isabelle. » Quelques-uns ont dit que Barbara Blomberg n’était qu’une servante : elle était assurément fort vulgaire. Charles-Quint n’en fut pas longtemps occupé et lui retira l’enfant peu de temps après sa naissance. Il maria la mère à Jérôme Pyramus Kegel, qui fut nommé commissaire à Bruxelles. Plus tard, le duc d’Albe, alors gouverneur des Pays-Bas, à qui l’on avait demandé un rapport sur la mère de don Juan, dit qu’il l’avait trouvée pauvre et endettée. Il raconte que l’un des enfans qu’elle avait eus de Kegel venait de se noyer dans