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voulut aussi négocier un traité avec l’aide du Japon, mais elle échoua. En 1882, le commodore Shufeldt, plus heureux, soutenu par la présence de quatre canonnières chinoises, conclut une convention dont nous donnons plus loin un résumé. Sauf quelques modifications exigées par les États-Unis, la convention a été signée de part et d’autre le 17 mai dernier. Une ambassade américaine, à la tête de laquelle se trouve le général Foote, réside déjà dans la capitale coréenne. Par l’intermédiaire de l’amiral anglais Willes, la Grande-Bretagne obtint aussi un traité qui sera ratifié ces jours-ci. L’Allemagne eut son tour. La France aurait également le sien sans le refus qui lui a été fait du droit d’acquérir des propriétés.

Pendant que les diplomates européens s’efforçaient d’enlever la Corée à son isolement, le souverain de ce pays vint à mourir, désignant pour lui succéder un fils adoptif, malheureusement mineur. Le père du nouveau roi, ennemi des étrangers et des Japonais, prit en main le pouvoir, et le 23 juillet 1882, la soldatesque coréenne, excitée par le souverain, attaqua la légation japonaise qui résidait dans la capitale. Plusieurs membres de la légation périrent, et le ministre japonais, S. E. Hanabusa, n’échappa que miraculeusement au massacre. Il put gagner les bords de la mer, s’embarquer sur une petite chaloupe ; une fois au large, il allait périr de privations avec quelques personnes de son entourage, lorsqu’il fut heureusement rencontré par un bâtiment de guerre anglais, le Flying-Fish, qui le transporta à Nagasaki. On devine l’indignation qui éclata au Japon à la nouvelle de ce lâche attentat. En peu de jours, une escadre japonaise jetait en Corée une armée de cinq mille hommes ; et, dès le 12 août, le ministre Hanabusa rentrait dans la légation, escorté par six cents soldats. Grâce, sans doute, à l’intervention d’un commissaire chinois bien connu, Ma-chien-Chung, la Corée consentit à payer une indemnité de 250,000 francs aux familles des victimes assassinées le 20 juillet, et 2,500,000 francs au gouvernement japonais à titre de dommages-intérêts. En outre, il fut convenu qu’une garde japonaise serait entretenue aux frais de la Corée, pour la protection de la légation aussi longtemps que le ministre le jugerait nécessaire ; que les limites des ports ouverts seraient considérablement étendues ; qu’un envoyé spécial irait à Tokio pour y porter les excuses du gouvernement coréen, qu’enfin les chefs de l’émeute recevraient une punition exemplaire. Voici, d’après le Mainichi-Chinbun, journal du Japon, de quelle façon horrible cette dernière réparation s’accomplit.

Le jour de l’exécution, à six heures du matin, les officiers japonais arrivèrent à Bakouakan, lieu choisi pour la suprême expiation. L’extérieur de l’édifice était décoré de tentures aux couleurs claires,