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et selon d’autres, dont l’opinion est bien plus probable, les faveurs accordées aux rois de Corée par l’empereur de la Chine. Les Coréens y attachaient un très grand prix. Dans une autre caisse, on trouva une tortue en marbre, parfaitement sculptée, sous le piédestal de laquelle était le sceau royal, ce sceau formidable que les simples Coréens ne peuvent ni voir ni toucher, et dont la possession a suffi plusieurs fois pour transférer l’autorité royale et terminer des révolutions. Celui qui tomba entre nos mains était neuf et semblait n’avoir jamais servi[1].

Le contre-amiral Roze, fatigué de son inaction, lassé de ne recevoir aucune réponse aux lettres qu’il écrivait au roi de Corée, crut, après sa démonstration contre Kang-Hoa, que son devoir était de mettre fin à sa mission. Il appareilla.

Depuis cette expédition, c’est-à-dire de 1866 à 1875, le Royaume solitaire est resté fermé plus que jamais. Dès 1867, les foires annuelles qui avaient lieu à Pien-Men, ou la Porte-Frontière, furent supprimées. Les jonques chinoises, qui étaient autorisées à pêcher sur les rivages coréens, recevaient l’ordre de ne plus s’y montrer. En 1868, soixante-dix de ces bateaux furent brûlés et trois cents hommes de leur équipage massacrés sous les prétextes les plus futiles, mais le plus souvent sur le soupçon d’avoir des chrétiens à bord. Un ou deux navires américains ayant éprouvé le même sort, les États-Unis firent, en 1871, une démonstration aussi stérile en résultats et aussi malheureuse que les deux nôtres. Seuls, les Russes ont étendu leurs incessantes conquêtes au nord-est de l’Asie, sans rencontrer du côté de la Chine la moindre opposition. En 1860, leurs frontières sont devenues limitrophes de la Corée. On leur a prêté des projets d’annexion, qui se seraient réalisés si la Chine n’y avait mis obstacle en cédant sur la question du Kouldja.


VI


À la suite d’une canonnade dirigée par les forts coréens sur un navire de guerre japonais, en septembre 1875, le gouvernement de Tokio obtint du gouvernement de Han-Iang ou Séoul, un traité qui autorisait les Japonais à fonder des comptoirs dans trois ports de la Corée. La concession parut si peu suffisante aux daïmios, qu’elle causa, en 1877, la sanglante révolte de Satsuma. En 1880, l’Italie

  1. Il est probable que ces objets ont dû être embarqués sur l’un de nos bâtimens. Si le gouvernement en est détenteur, il serait intéressant de savoir où ils se trouvent et d’en faire une sorte de musée.