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sont très communes, et elles doivent se faire le plus possible dans la famille, car ce sont des descendans qui seuls doivent rendre aux ancêtres le culte habituel, garder leurs tablettes, observer les cérémonies de deuil et offrir les sacrifices. On n’adopte pas de filles, toujours parce qu’on les considère indignes d’accomplir les rites prescrits. À la mort du père, le fils aîné prend sa place ; il conserve la propriété. Les cadets reçoivent de leurs parens des donations plus ou moins importantes à l’époque de leur mariage. En général, la maison de l’un est la maison de tous, et tous prêtent leur appui à celui d’entre eux qui a quelque chance d’obtenir un emploi. Les noms de famille sont en très petit nombre, cent quarante-cinq ou cent cinquante au plus. Pour distinguer les différentes familles qui portent le même nom, on y joint l’indication de leur pays. Outre ces noms, il y a les noms propres de chaque individu ; on en compte trois : le nom d’enfant, le nom propre vulgaire et le nom propre légal. Les femmes ne changent pas de nom à leur mariage ; elles conservent leur nom d’enfant. Ordinairement les gens du peuple n’ont que des sobriquets par lesquels on les désigne.

Quelques mots sur le deuil en Corée. Quand un noble a perdu son père, sa mère ou l’un de ses proches, il n’est pas libre de le pleurer à sa guise ; il doit se conformer aux prescriptions données à ce sujet par le gouvernement. Voici ce qui se passe le plus souvent. On commence par déposer le corps dans un cercueil en bois très épais, gardé dans une chambre destinée à cet usage. On doit aller pleurer dans ce lieu funèbre quatre fois par jour, et, pour y entrer, il est nécessaire de porter une toilette spéciale. Elle consiste en une grande redingote de toile grise déchirée, et aussi malpropre que possible. On se ceint les reins d’une corde de la grosseur du poignet, corde tressée avec de la paille de riz et du fil. Une autre corde fait le tour de la tête, laquelle est couverte d’une toile grise. Les bouts en retombent par-devant sur chaque joue. Des bas et des souliers spéciaux et, à la main, un gros bâton noueux, complètent cet étrange costume. Dans cet accoutrement, sous lequel nos missionnaires se sont souvent cachés, on se rend dans la chambre mortuaire le matin, en se levant, et après chaque repas. On apporte une petite table chargée de mets et placée sur un autel à côté du cercueil ; puis la personne qui préside la cérémonie fait entendre des plaintes lugubres. Ces pratiques durent pendant deux ou trois ans. Un noble qui se respecte doit souvent passer toute une nuit et tout un jour auprès de son père mort. Il en est qui font bâtir des maisons très petites auprès des tombeaux pour y vivre plusieurs années. Ceux-là acquièrent une haute renommée de sainteté et la vénération de tous.

La Corée, vassale de la Chine depuis plusieurs siècles, a subi