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du xie siècle que les trois royaumes coréens furent réunis en un seul. Le roi de Kao-li, appuyé par la Chine, conquit les états de Pe-tsi et de Sin-la, forma une seule monarchie, et, en reconnaissance du secours que lui avait donné la dynastie mongole qui s’établissait alors à Pékin, il reconnut officiellement la suzeraineté du nouvel empereur des Célestes. Au xive siècle, la chute de la monarchie mongole entraîna par contre-coup la chute de la dynastie qui régnait alors en Corée. Taï-tso, que les histoires chinoises nomment Si-Tan, protégé par la dynastie Ming, qui venait de supplanter les Mongols, s’empara du trône coréen l’an 1392, et fonda la dynastie actuelle, dont le nom officiel est Tsi-Tsien. En 1636, quand la dynastie mandchoue renversa à son tour les Ming, le roi coréen eut la maladresse de prendre parti pour ces derniers. Il fut vaincu et dut reconnaître aux conquérans non-seulement le droit d’investiture, mais aussi leur autorité directe sur sa personne. Un article de la convention qui fut, à cette époque, passée entre la Chine et la Corée, nous donne le détail du riche tribut que cette dernière doit payer chaque année à l’empereur. En voici le curieux résumé : « Cent onces d’or, mille onces d’argent, dix mille sacs de riz en grain, deux mille pièces de soie, trois cents pièces de mori ou lin, dix mille pièces de toile ordinaire, quatre cents pièces de toile de chanvre, cent pièces de toile de chanvre fin, mille rouleaux de vingt feuilles de grand papier, deux mille bons couteaux, mille cornes de buffle, quarante nattes avec dessin, deux cents livres de bois de teinture, dix boisseaux de poivre, cent peaux de tigre, cent peaux de cerf, quatre cents peaux de castor, deux cents peaux de rats bleus. » Sauf quelques modifications insignifiantes, le tribut et la convention sont encore en vigueur de nos jours. Le Japon, qui, de son côté, avait des prétentions souveraines sur la Corée, ne fit abandon de ses droits qu’en 1868. Il doit le regretter amèrement aujourd’hui en voyant le Céleste-Empire devenir, depuis une année, tout-puissant dans la péninsule coréenne, et l’y supplanter.

Des nombreux partis coréens qui toujours se sont disputé les faveurs du roi et les plus hautes fonctions, il n’en reste plus que deux : l’un hostile aux étrangers, l’autre favorable. C’est ce dernier qui l’emporte aujourd’hui.

La forme du gouvernement est la monarchie absolue. Le roi exerce une autorité sans limites sur les hommes, les choses et les institutions. On lui rend des honneurs presque divins. Il est défendu sous des peines sévères de prononcer son nom, mais la défense est d’autant plus facile à observer que ce n’est qu’après sa mort qu’il reçoit définitivement un nom, et il le reçoit de son successeur. Personne ne doit le toucher, et jamais le fer ne peut approcher de son