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une femelle de cancrelats ne donne pas le jour à quatre-vingt-dix-neuf petits cancrelats dans une nuit, elle a perdu son temps. »

En résumé, la Corée est pour nous, habitans des zones tempérées, un séjour détestable. Et pourtant, un auteur chinois, cité dans l’Encyclopédie japonaise, a écrit que « parmi les pays barbares, aucun ne peut se comparer au Cambodge en richesse, au Japon en franchise, au K’itan, — le pays d’origine de la dynastie chinoise actuelle, en bravoure, — à la Cochinchine en fertilité, au Tchosien, — la Corée, — en agrément[1]. Le froid, comme nous l’avons vu, y est des plus vifs presque toute l’année, et la chaleur, pendant un ou deux mois, intolérable ; l’eau qu’on y boit cause des maladies très graves ; les fleurs, quoique belles, y sont sans parfum et les fruits sans saveur, Il faut vraiment avoir reçu du ciel une vocation d’apôtre pour y braver comme l’ont fait d’héroïques confesseurs du Christ, la misère, les bêtes féroces, la plus hideuse des malpropretés, et enfin une mort effroyable. Et pour quels résultats ! Pour quelques milliers de néophytes sur une population de neuf millions de païens[2].


II.


On ne sait rien de plus précis sur l’histoire ancienne de la Corée. On ignore également à quelle époque son peuple s’est livré sérieusement à l’agriculture, et c’est en vain aussi que l’on a cherché dans quel siècle il a initié les Chinois et les Japonais à la connaissance de la céramique. Cet art, dont il est resté quelques spécimens admirables, n’existe même plus à l’état de souvenir[3] !

Au ier siècle de l’ère chrétienne, le pays était divisé en trois kan ou états : au nord et au nord-est le royaume de Kao-li, à l’ouest celui de Po-tsi, au sud-est celui de Sin-la. Une suite de guerres civiles interminables, des querelles entre le royaume de Kao-li et la Chine, entre le royaume de Sin-la et le Japon, voilà l’histoire de la Corée pendant mille ans. C’est vers la fin

  1. Tchosien, en chinois, signifie la fraîcheur du matin.
  2. D’après le Nitchi Nitchi Chimboun, le journal officiel de Yokohama, la population de la Corée serait de 7,294,367 habitans, sur lesquels on compterait 3,560,317 hommes et 3,734,050 femmes.
  3. Julliot, l’un des plus experts marchands de curiosités du xviiie siècle, parle ainsi de la porcelaine coréenne, qu’il croit être, à tort, l’œuvre du Nippon : « Cette porcelaine, dont la composition est entièrement perdue, a toujours eu l’avantage d’inspirer la plus grande sensation aux amateurs par le genre si fin du beau blanc de sa pâte, le flou séduisant de son rouge mat, le velouté de ses vives et douces couleurs en vert et bleu céleste foncé ; tel est le véritable mérite reconnu dans cette porcelaine ; aussi tous les cabinets supérieurs en ont été et en sont composés, ce qui seul fait son éloge. » (Les Merveilles de la céramique, par Jacquemart.)