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chez bien et vous finirez par découvrir les traces de quelque étroit sentier qui, après une marche plus ou moins longue, vous conduira sur un sommet d’où vous verrez se développer un horizon accidenté. Vous avez quelquefois du haut d’un navire contemplé la mer, alors qu’une brise carabinée soulève les flots en une infinité de petits monticules aux formes variées. C’est en petit le spectacle qui s’offre à vos regards. Vous voyez dans toutes les directions des milliers de pics aux pointes aiguës, d’énormes cônes arrondis, des rochers inaccessibles, et plus loin, à perte de vue, d’autres montagnes plus hautes encore, et c’est ainsi dans presque tout le pays. La seule exception est un district qui s’avance dans la mer de l’Ouest et qui se nomme la plaine de Naï-Po. Mais, par ce mot de plaine, n’allez pas entendre une surface nue comme la Beauce, c’est simplement une partie de la région où les montagnes sont beaucoup moins hautes et beaucoup plus espacées que dans le reste du royaume. On y cultive le riz, et c’est ce qui fait appeler le Naï-Po « le grenier de la capitale. »

Indépendamment de la péninsule qui porte le nom de Corée[1], il y a aussi à l’ouest et au sud, au milieu d’une mer pleine de bas-fonds, un grand nombre d’îles dont la plus étendue est celle de Quelpaert. Par un temps clair, des îles japonaises de Tsou-Sima, dont la terre ferme est séparée par un détroit de 40 kilomètres de longueur, on voit fort bien la côte coréenne.

De toutes les montagnes, la plus élevée est celle qui se trouve placée dans la longue chaîne des Chan-Yan-Alin, chaîne qui sépare de la Corée, au nord, la Mandchourie et les territoires nouvellement acquis par les Russes. Elle s’appelle le Paiktou-San, ou la montagne à tête blanche. Au dire des habitans, car nul Européen n’en a fait l’ascension, un beau lac se trouve au sommet ; l’eau en est noire et l’on ne peut en mesurer la profondeur. Il y a des neiges et des glaces jusqu’à la fin de mai ; l’éclat qu’elles projettent au soleil se voit de très loin. La forme de la montagne est celle d’un vase immense élevant vers le ciel ses parois blanches à l’extérieur et rouges à l’intérieur.

C’est de la chaîne de montagnes où domine ce magnifique géant que les deux plus grands fleuves de la Corée prennent leur source. L’un, le Am-no-Kang, coule vers l’ouest et se jette dans la Mer-Jaune ; l’autre, le Tou-man-Kang, va se perdre, à l’est, dans la mer du Japon. Il y a encore une grande quantité de cours d’eau, de canaux ou d’arroyos, mais trop peu importans pour être signalés. Entre les sources des deux rivières, dans les chaînes des Chan-Yan-Lin, est une contrée montagneuse, noire de forêts, com-

  1. Elle mesure 400 kilomètres de long sur 60 de large.