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contre ses sujets chrétiens et les apôtres étrangers qui les ont convertis. Toutefois, notre désir d’être accueillis comme les autres nations ne peut manquer d’être satisfait.

L’intention que nous avons de présenter à nos lecteurs un travail sur une contrée qui n’est célèbre que par son isolement, sa haine de l’Européen et le souvenir d’un désastre infligé à notre marine, n’a rien d’anticipé. Depuis 1875, la Corée a ouvert plusieurs de ses ports maritimes aux Japonais, — aux Japonais seulement, il est vrai, mais grâce à cette circonstance, grâce surtout à des lettres de missionnaires recueillies avec un soin pieux par un de leurs éminens collègues, M. Ch. Dallet, nous avons pu réunir un faisceau de renseignemens qui, nous l’espérons, ne paraîtront pas sans intérêt.


I.


Après avoir laissé derrière lui les riantes perspectives des îles boisées du Japon, le navigateur qui arrive sans transition en vue des côtes méridionales de Corée est tout surpris de l’aridité des terres élevées qui s’offrent de loin à ses regards. Son étonnement n’est pas moindre au froid excessif et à la chaleur torride qu’il ressent sous une latitude qui n’est autre pourtant que celle de Malte et de l’Italie du sud[1]. En décembre, c’est le climat de la Sibérie ; en juillet, celui de Tombouctou. La Pérouse raconte qu’il fut stupéfait de voir encore au mois de mai de la neige dans les ravins voisins des côtes. Cette basse température, qui semble régner avec sévérité l’hiver, est due sans doute à la nature montagneuse de la Corée et aux vents qui se précipitent sur elle des steppes glacées de la Mongolie. C’est qu’en effet la Corée n’est qu’un pays de montagnes. Une grande chaîne, partant de la Mandchourie, se dirige du nord au sud en suivant la côte de l’est, dont elle détermine les contours, et les ramifications de cette chaîne couvrent le pays presque tout entier. « En quelque lieu que vous posiez le pied, nous a dit un missionnaire français qui était venu se réfugier à Manille à l’époque des dernières persécutions, vous ne voyez que des hauteurs. Presque partout, vous semblez être emprisonné entre les rochers, resserré entre les flancs de collines, tantôt nues, tantôt couvertes de pins sauvages, tantôt hérissées de broussailles ou couronnées de forêts. Tout d’abord, vous n’apercevez aucune issue, mais cher-

  1. La Corée s’étend en latitude entre 34° 20′ et 42° 30′ et en longitude de 122° 15′ à 127° 14′ E. Sa superficie, d’après le Dictionnaire de géographie de M. Vivien de Saint-Martin, est évaluée à 220,000 kilomètres carrés.