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sa tête, au lieu d’être, par une suite du parlementarisme, les commis de la chambre, et, par une suite de leur inexpérience, les prisonniers de leurs bureaux, à coup sûr ils n’hésiteraient pas à se dégager au plus vite d’une expérience désormais condamnée.


V

Mais, dira-t-on, comment faire ? Revenir purement et simplement à l’ancien état de choses, reprendre l’ancienne méthode et l’ancienne organisation des études ? La politique ne le permettrait pas. Il serait bien dur, en effet, pour le gouvernement de confesser à ce point son erreur ; quelle que soit sa modestie, on n’en saurait attendre une preuve aussi pénible. Pareillement, il y aurait quelque cruauté à exiger du conseil supérieur actuel un revirement aussi complet. A vrai dire, il s’est déjà, dit-on, singulièrement assagi : de l’ardeur et de la confiance extrêmes qui marquèrent ses débuts, il ne reste plus, à ce qu’on assure, qu’une inquiétude et le sentiment confus, pour ne pas dire l’humiliation, de n’avoir été qu’un instrument dans la main d’un ministre audacieux. Déjà dernièrement, par un scrupule inouï autant que tardif, il a changé du tout au tout sa jurisprudence à l’égard des écoles libres ; il semble qu’en le poussant un peu, et si les bureaux le voulaient bien, on pourrait obtenir de son dévoûment de plus grands sacrifices d’amour-propre encore… Mais ne soyons pas trop exigeans, attendons patiemment la retraite du pécheur et souhaitons qu’il fasse pénitence. D’ici là, le roi, l’âne ou moi,.. d’ici là, que le corps enseignant continue de noter ses observations, de réunir et d’opposer à de décevantes théories un ensemble de faits qui en démontrent l’inanité. Qu’il poursuive vigoureusement, à coup de documens, la nouvelle pédagogie dans ses derniers retranchemens officiels, et la victoire, en fin de compte, lui restera.

Est-ce à dire qu’il faille la souhaiter aussi complète que certains le voudraient, que l’expérience actuelle ait été de tous points détestable et qu’on n’en doive absolument rien retenir ? Tel n’est pas assurément notre avis, et, pour si vives qu’aient été nos critiques, nous tenons à rappeler que nous avons ici même et plus d’une fois affirmé la double nécessité d’une nouvelle orientation de notre enseignement public et d’une refonte des programmes de nos collèges.

A nos yeux, en effet, la question n’est pas simple : elle a deux faces, et c’est sous un double aspect qu’il importe de l’envisager. Plus un peuple avance en âge, plus ses besoins augmentent et plus il est difficile de les satisfaire ; plus ses appétits se développent et