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des candidats admis du premier coup est d’environ 50 pour 100. A l’oral, l’explication des auteurs et la conversation en anglais ou en allemand est en général satisfaisante. Pareillement la philosophie n’a rien perdu. Les deux tiers des candidats apportent encore à cette partie de l’examen des copies assez développées ou du moins convenablement délayées. Peut-être seulement pourrait-on leur reprocher d’y mettre plus de mémoire que d’intelligence et de savoir véritable.

En revanche, la version latine est d’une pauvreté déplorable. Les candidats ne sont plus capables de décomposer une phrase de Tite Live ou de Cicéron. Ces auteurs, de lecture presque courante autrefois pour un bon élève de rhétorique, ne fournissent plus de textes assez faciles. Ceux qu’on est obligé de choisir sont les mêmes qu’on donnait autrefois en troisième ! Encore a-t-on soin de ne les point emprunter aux poètes, n’y ayant plus que très peu d’exemples d’un candidat qui sache déchiffrer un vers d’Horace ou de Virgile. Néanmoins, malgré toutes ces précautions, les copies sont remplies de fentes grossières ; elles témoignent d’une ignorance absolue des expressions les plus usitées. Dernièrement, sur quatre-vingt-dix-neuf candidats, il ne s’en est trouvé que trois pour comprendre la fameuse locution : operœ pretium est.

La composition française est un peu moins mauvaise, mais bien médiocre encore. Il s’en faut que les candidats aient regagné de ce côté le terrain qu’ils ont perdu en latin. On s’est imaginé qu’en les mettant dès la troisième à la composition française, ils écriraient mieux en rhétorique. La vérité, c’est qu’ils y arrivent avec un style d’une facilité banale et plate et qu’ils ne savent pas mieux le fond de la langue. Peut-être, et c’est en ce point seulement qu’il y aurait progrès, l’histoire littéraire leur est-elle moins inconnue qu’à leurs prédécesseurs. La méthode historique les a mis en possession d’un certain nombre de faits se rapportant à l’origine et à la formation de notre langue. Ils savent, par exemple, que le moyen âge a eu ses cycles épiques et possèdent quelques notions sur les écrivains de la renaissance. Ils en ont tiré des analyses, mais à coups de manuels, et combien superficielles ! Cependant ils ne respectent pas l’orthographe et, de ce côté, le mal est si flagrant que la faculté s’est déjà vue dans la nécessité de réclamer la création d’une nouvelle maîtrise de conférences, dont le titulaire serait spécialement chargé de donner et de corriger aux étudians des compositions de français.

La plupart des observations qui précèdent s’appliquent avec non moins de force au grec. En ce point, le déclin est déjà très sensible. Que sera-ce dans trois ou quatre ans, lorsqu’on pourra