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et de la présomption. Après Rosbach, il y eut en France un engouement ridicule pour la discipline prussienne. On crut avoir tout réparé en introduisant dans nos régimens l’usage des coups de bâton : quelques années plus tard, les gardes françaises passaient à l’émeute et prenaient la Bastille. Présentement nous sommes menacés d’une invasion des méthodes et de la pédagogie allemandes. Naturellement, ces tendances ont réagi sur le conseil. Il a pensé qu’il devait non-seulement attribuer un plus grand nombre d’heures aux études historiques dans nos collèges, mais encore et surtout y faire une plus large place à la connaissance des institutions, des mœurs et des usages. Par exemple, en sixième aujourd’hui, le professeur est tenu de faire connaître à ses élèves la société brahmanique, les lois de Manou, le bouddhisme, et, pour les mieux préparer à ces études un peu arides, on les initie dès la septième aux beautés de la constitution de 1875. Pauvres petits cerveaux, comme on vous bourre et comme vous étiez plus heureux, au temps jadis, alors qu’on se contentait de vous raconter l’histoire sainte d’après la Bible et l’Egypte d’après Hérodote ! Elle était peut-être moins scientifique cette pédagogie-là ; elle n’embrassait pas de si larges horizons à coup sûr. Le monde connu des anciens suffisait à son ambition. L’idée de promener des enfans de dix à douze ans par de la Lycurgue et Solon, jusqu’au Gange et jusqu’à l’Indus, à travers les constitutions et les sociétés primitives de l’extrême Orient lui eût paru quelque peu saugrenue ; mais comme elle était moins prétentieuse et moins pédante, plus pratique et plus conforme au génie national ! Comme elle savait mieux prendre la mesure des esprits et leur distribuer une nourriture habilement graduée, tout aussi substantielle et moins indigeste !

Toutefois, hâtons-nous de le dire : le mal, en ce point particulier des études historiques, n’est pas, à beaucoup près, ce qu’on aurait pu craindre qu’il fût. L’orientation n’en a pas sensiblement changé, grâce au tact d’un personnel d’élite. Autre chose est d’inscrire dans un programme délibéré à huis-clos les Vedas ou les lois de Manou ; autre chose est d’y intéresser des enfans. Autre chose est de décréter gravement que la connaissance des institutions est le but principal et la fin de l’enseignement historique dans nos collèges ; autre chose est de passionner de jeunes esprits pour les Capitulaires de Charlemagne ou les Établissement de saint Louis. L’histoire intérieure des peuples, leur vie sociale, leurs mœurs, leurs coutumes, leurs arts, leur degré de civilisation sont assurément des facteurs qu’il ne faut pas négliger, et les bons maîtres n’avaient pas attendu la réforme de 1880 pour leur donner une part de leur attention ; mais, quoi qu’on fasse, c’est l’étude de la formation territoriale des états par la guerre, par la diplomatie, par le génie de leurs