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galamment un thème latin, et les annales du concours général sont pleines de copies qui dénotent chez nos rhétoriciens une habileté de composition qu’on ne rencontrerait pas facilement chez les jeunes gens du même âge en Allemagne. Mais, « écrire en latin, est-ce donc une chose si précieuse en soi et d’une influence si salutaire qu’il faille le plus tôt possible et par tous les artifices en fournir les moyens aux enfans ? » Ces pièces de montre, que prouvaient-elles ? Rien, si ce n’est qu’avec l’aide de Lhomond et de leurs dictionnaires, des intelligences, d’ailleurs fort ordinaires, arrivent aisément à briller dans des exercices qui n’exigent que peu ou point de recherches personnelles.

Tout autre et bien supérieure était la pédagogie allemande. Là, point de ces grammaires qui réduisent l’enseignement à un simple exercice de mémoire et qui « rendent superflu même le plus léger effort de la raison. » Point de ces dictionnaires si riches et si détaillés semblables à des machines perfectionnées qui suppriment la peine et dispensent de la réflexion. Très peu de ces devoirs écrits qui prennent à nos écoliers le meilleur de leur temps pour un si mince profit. En revanche, de longues et nombreuses explications, portant non plus seulement, comme chez nous, sur des parties d’auteurs et par cela même dépourvues d’intérêt, mais sur des ouvrages entiers : tout César, tout Virgile, tout Horace et tout Sophocle. Dans les études grammaticales, au lieu des procédés empruntés par l’université aux jésuites, on avait recours à la méthode historique et philosophique. Au lieu de faire apprendre par cœur aux enfans des règles douteuses et des exemples souvent peu pertinens, on les exerçait à se rendre compte de la raison d’une construction, de la valeur primitive des cas, du sens originaire des mots. On leur « ouvrait des vues sur l’histoire du langage, en les initiant au lent travail qui les modifie et les renouvelle. » On allait jusqu’à leur donner quelques notions de phonétique. Enfin, et pour tout dire en un mot, on ne sacrifiait pas comme chez nous le fond à la forme, et ce que les études classiques perdaient peut-être en éclat, elles le regagnaient largement en solidité.

Telles étaient au résumé les principales critiques adressées de divers côtés à notre enseignement secondaire et devant lesquelles allait se trouver le nouveau conseil institué par la loi du 27 février 1880. Sa tâche, on le voit, n’était pas aisée : il avait à compter avec trois opinions principales, à choisir entre trois systèmes : ou la suppression radicale des études classiques ou de simples retouches renouvelées de M. Jules Simon ; ou de larges mutilations pratiquées dans les anciens programmes et coïncidant avec l’introduction de méthodes et d’un esprit entièrement nouveaux dans nos études. Ajoutez à cette difficulté les complications qui naissent fatalement du choc des