Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/857

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours. Il faut se défier des engouemens passagers et surtout des généralisations. Que leur ignorance en géographie ait fait commettre quelques bévues à nos officiers d’état-major en 1870, c’est possible ; mais de là à crier par-dessus les toits qu’elle nous a perdus, il y a loin. Les généraux de la république n’étaient pas de bien, grands clercs ; ils auraient eu vraisemblablement quelque peine à passer un examen même très sommaire sur les affluens de l’Escaut ou de la Meuse. Leurs reconnaissances de cavalerie ne manquaient pourtant pas d’habileté, que nous sachions, et si je ne craignais d’avancer une opinion qui parût irrespectueuse, j’oserais dire que la lecture minutieuse des meilleures cartes ne vaudra jamais à la guerre le secours d’un bon paysan campé de gré ou de force à cheval, entre deux dragons le pistolet au poing. Nous avons, sans plus de façons, parcouru bien des fois l’Europe, et, pour si vieux qu’il soit, il faudra toujours en revenir à ce moyen. D’ailleurs, et ces réserves fûtes, l’enseignement de la géographie comportait à coup sur les encouragemens qu’il a reçus, et l’on ne peut que louer M. Jules Simon d’avoir été le promoteur de l’importante extension qu’il a prise.

D’autres parties encore de nos études classiques comportaient depuis longtemps quelques retouches. L’usage des récitations, la pratique des devoirs écrits en général, et des thèmes, en particulier, étaient devenus abusifs ; en revanche, le temps consacré aux exercices parlés et aux explications semblait insuffisant. Les récitations sont excellentes, surtout dans les classes élémentaires ; elles développent la mémoire, fond l’éducation de l’oreille, et, par ainsi, préparent l’esprit à mieux goûter un jour le charme des grandes et belles formes littéraires. Mais il ne faut pas, en bonne pédagogie, que la forme passe avant le fond, et, sous ce rapport, la répétition trop fréquente des exercices où la mémoire joue le principal rôle est certainement un écueil.

Les devoirs écrits n’offrent pas ce même inconvénient ; au contraire, ils exigent un effort personnel très fécond, mais encore faut-il qu’ils ne soient ni trop longs, ni trop nombreux pour ne pas perdre en grande partie leur vertu et pour ne pas devenir écrasans ou fastidieux. L’explication à livre ouvert, en classe, de larges morceaux de prose ou de poésie, accompagnée d’interrogations et de commentaires, peut, dans une certaine mesure, y suppléer. De très bons esprits le pensaient et le pensent encore. En tout cas, ce que personne ne contestait, c’était la nécessité de prendre sur les anciens exercices le temps indispensable aux nouveaux, sous peine de surcharger les élèves au-delà de toute, raison. L’université n’enseignait, dans le principe, que le latin et les mathématiques, avec un