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à la pelle, avec cette largesse de parvenus qui distingue le régime actuel. On était obligé d’aller doucement, très doucement ; cependant on allait, on marchait, et peut-être serait-on arrivé tout aussi vite et à de meilleurs résultats, sans engager, comme on l’a fait, de folles dépenses et sans dilapider la fortune publique. La guerre arrêta ce mouvement ; mais il ne tarda pas à être repris par d’autres mains et dans les conditions particulièrement favorables que nous indiquions tout à l’heure. Un philologue distingué, très au courant des méthodes et de la pédagogie allemandes, M. Michel Bréal, donna le signal dans un livre dont le titre modeste cachait mal l’importance. Peu après, un philosophe éminent, qui se trouvait alors porté par le courant et qui a pu depuis mesurer le degré d’ingratitude et d’envie dont le souverain est capable, M. Jules Simon, redevenu ministre de l’instruction publique, prenait hardiment l’initiative de changemens importans dans le régime intérieur des collèges et les études classiques. La circulaire du 27 septembre 1872 parut, et la question passa du domaine de la théorie dans celui de la pratique. L’expérience, il est vrai, dura peu ; les ministres du 24 mai ne la poursuivirent pas. Toutefois, un grand pas avait été fait : un coup décisif se trouvait avoir été frappé d’une main résolue sur le vieil édifice universitaire, la brèche était ouverte ; trop heureux si, pour introduire dans la place de dangereuses innovations, on ne l’eût pas agrandie.

Les changemens inaugurés par la circulaire de M. Jules Simon n’avaient pas, en effet, la prétention de constituer une révolution. Ils n’étaient, pour la plupart, que la mise en pratique d’améliorations étudiées depuis longtemps et réclamées par les hommes les plus compétens. Ainsi, de l’aveu général, la part laissée au développement des facultés physiques dans les établissemens universitaires était absolument insuffisante. La gymnastique, les exercices militaires, l’équitation, l’escrime, la natation, l’usage des grandes promenades hors la ville, avaient grand besoin d’y être encouragés et surtout réglés. Sous ce rapport, l’université retardait de beaucoup sur ses rivaux, et ne pouvait que gagner à suivre leur exemple, au lieu de les persécuter comme elle l’a fait depuis.

Pareillement l’enseignement des langues vivantes, et surtout le profit que les élèves en retiraient, avait toujours été des plus faibles. La nécessité d’en aborder beaucoup plus tôt l’étude s’imposait avec une entière évidence. On pouvait donner plus de place à l’histoire ; on en devait faire une à la géographie, qui n’en avait pas de bien déterminée dans les anciens programmes. Non pas qu’elle fût aussi complètement négligée qu’on l’a prétendu, ni qu’elle mérite entièrement l’importance qu’on serait trop disposé à lui accorder de nos