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le premier article est rédigé ainsi : de la Méthode ; analyse et synthèse. Sans doute, les questions de la logique formelle reparaissent plus ou moins dans les paragraphes suivans, mais toujours au point de vue de la méthode ; et, à considérer l’ensemble, on voit que les questions concrètes et pratiques (méthodes, langage, erreurs) l’emportent de beaucoup sur les questions théoriques : la logique formelle a été détrônée par la méthodologie. Quelle est la signification de ce fait ? Ici encore se manifeste la substitution de l’esprit moderne à l’esprit scolastique. Toute la révolution scientifique du XVIIe siècle s’était faite en opposition avec l’esprit de la scolastique. Bacon et Descartes s’étaient accordés pour déclarer stérile et funeste la logique des écoles, et ils avaient remplacé cette logique par des recherches sur la méthode. Tous les grands savans et penseurs de ce siècle, Pascal, Newton, Spinoza, Malebranche (Art de persuader, Regulœ philosophandi, de Emendatione intellectus, Recherche de la vérité) s’étaient fait une logique nouvelle et avaient remplacé la logique d’Aristote par la méthodologie. Il en fut de même au XVIIIe siècle. Ce furent alors l’analyse et la synthèse qui eurent tous les honneurs. On avait aussi beaucoup étudié les erreurs (Malebranche et Bacon) ; on avait attaché une grande importance au langage et aux signes (Condillac). La logique du programme de 1832 était donc l’expression de la logique du XVIIe et du XVIIIe siècle, de Descartes, de Bacon, de Malebranche, de Locke et de Condillac. Elle résumait cette nouvelle logique non-seulement dans ses progrès, mais encore dans ses préjugés : car c’est un fait curieux et caractéristique que, dans le programme de 1832, on n’avait pas même osé introduire le nom et la théorie du syllogisme[1], tant on craignait de retomber dans la scolastique. En un mot, substitution de la méthodologie moderne à la logique d’Aristote : tel était le caractère de la seconde partie du programme.

Venait enfin la troisième partie, c’est-à-dire la morale. Ici encore, même caractère que précédemment. La morale était présentée sous une forme toute psychologique ; bien plus, elle était entièrement séparée et affranchie de la métaphysique. Les deux articles essentiels concernant la morale théorique étaient résumés en ces termes : « Des divers motifs de nos actions ; peut-on les réduire à un seul ? — Décrire les phénomènes moraux sur lesquels repose ce qu’on appelle conscience morale, sentiment ou notion du devoir, distinction du bien ou du mal, obligation morale, etc. » Toute la morale était exposée, même avec la notion de sanction, même avec l’énumération des devoirs individuels et sociaux, sans

  1. Ce fut seulement en 1840 que Victor Cousin, ministre, l’introduisit dans le programme par un article complémentaire.