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promulgué qu’en 1832[1]. Ce fut ce programme qui dura sans aucun changement important jusqu’à la chute de Victor Cousin et de la philosophie en 1852. Il a donc duré vingt et un ans et peut servir à donner l’idée exacte de l’enseignement que Cousin voulait fonder.

Ce programme était divisé, comme le précédent, en trois parties ; mais ces parties n’étaient pas les mêmes. Au lieu de la logique, la métaphysique et la morale, c’étaient la psychologie, la logique et la morale. Il y était ajouté, en outre, une partie complémentaire et nouvelle : l’histoire de la philosophie. En comparant ce programme au précédent, on y est frappé tout d’abord d’une nouveauté capitale ; à savoir l’apparition de la psychologie, nouveauté dont le caractère était encore relevé par la place donnée à cet enseignement. En effet, la psychologie était presque entièrement absente du programme précédent, au moins la psychologie expérimentale. C’est ainsi qu’on n’y rencontrait ni l’analyse des sens, ni celle de la conscience, dont le nom n’était pas même prononcé, ni celle de la mémoire, de l’imagination, des sentimens et des passions, ni enfin de la volonté. L’établissement d’une psychologie séparée, indépendante, servant de base à la science, telle fut la révolution principale opérée dans l’enseignement par Victor Cousin, et la réforme opérée sur ce point est restée définitive. Rendons-nous bien compte de ce changement et mesurons-en l’importance. La création d’une psychologie expérimentale avait été l’œuvre du XVIIIe siècle. Elle avait été fondée par Locke dans son Essai sur l’entendement humain, développée après lui par Berkeley (Principes de la connaissance humaine), puis par Hume, par Hutcheson, par Adam Smith ; puis reprise, à un point de vue différent, mais avec la même méthode, par l’école écossaise, par Reid et par Dugald-Stewart. En France, elle avait engendré Condillac, et l’école idéologique ; et la nouvelle école, celle de Royer-Collard, de Cousin, de Jouffroy, même de Maine de Biran, tout en se séparant de Condillac sur le fond des choses, maintenait cependant la méthode psychologique et en faisait même la base de la philosophie. Au fond, c’était la méthode d’observation, d’analyse et d’examen appliquée aux faits mentaux. Elle consistait à partir en philosophie non de notions préconçues, mais de faits, c’est-à-dire des choses données. Or se soumettre à ce qui est donné, prendre pour base les choses telles qu’elles sont, les faits avec leurs caractères réels, c’est le fond même de l’esprit scientifique et de l’esprit moderne.

On a dit que la psychologie éclectique n’était pas une vraie psychologie parce qu’elle séparait artificiellement les faits psychologiques

  1. On trouvera ce programme, ainsi que celui de 1823, dans l’appendice du volume de Victor Cousin, intitulé : Défense de l’université et de la philosophie, 1844.