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capables de s’associer utilement ? Le système de la participation préparerait ainsi la création des sociétés coopératives ; ce serait un régime de transition, par lequel les ouvriers pourraient, en certains cas, devenir propriétaires de l’usine. A supposer que cette dernière visée paraisse trop ambitieuse ou que le but à atteindre semble trop lointain, l’on nous signale les résultats immédiats de la communauté d’intérêts qui se forme entre le patron et ses ouvriers, entre le capital et le salaire. Par l’effet d’une mutuelle confiance, l’ordre est maintenu dans les ateliers, à tous les degrés du travail ; les conflits si redoutables qui éclatent trop souvent au sujet du salaire sont prévenus ou facilement apaisés ; il n’y a plus de grèves, car l’ouvrier, associé aux bénéfices, ne saurait conspirer contre lui-même. L’intérêt du patron n’est pas moins satisfait que celui du travailleur : si l’abandon d’une part de son bénéfice augmente ses frais de main-d’œuvre, il obtient, par compensation, la certitude que les ouvriers, devenus ses associés, seront plus assidus, plus actifs, et par suite produiront davantage. Enfin, il est nécessaire que les ouvriers cessent d’être indifférens aux destinées de leur industrie ; dans l’état actuel, ils ne songent qu’avoir augmenter le salaire fixe et diminuer les heures de travail, ils risquent, par des prétentions exagérées, d’élever les prix de revient au point de rendre impossible la lutte contre la concurrence étrangère. Appelés à participer aux bénéfices, ils seraient mieux au courant des affaires de leur usine, ils connaîtraient les comptes annuels, et ils ne seraient plus tentés de réclamer pour leur rémunération au-delà de ce qui serait acceptable et légitime. — Tels sont les principaux argumens des promoteurs de la participation, argumens qui ont été développés devant la commission d’enquête, soit par des publicistes qui se sont consacrés à la propagation de l’idée, soit par des industriels qui, prêchant d’exemple, ont adopté le système dans leurs ateliers. »

Deux objections se présentent naturellement à l’esprit. La participation aux bénéfices n’implique-t-elle pas la participation aux pertes, et, dans le cas de perte, comment les ouvriers pourront-ils fournir leur contribution ? En second lieu, le droit de participation n’entraîne-t-il pas le droit de contrôler les comptes, de discuter les inventaires, d’établir les bénéfices, et comment l’intérêt de l’entreprise et l’autorité du patron s’accommoderont-ils de la communication des comptes et d’une discussion de chiffres avec les ouvriers ? — Les défenseurs du système ont répondu à cette double objection. La part de bénéfices étant allouée à titre d’augmentation éventuelle du salaire, les ouvriers n’ont rien à payer en cas de perte ; la seule conséquence des années de perte, pour les ouvriers, c’est de voir diminuer ou disparaître le capital de réserve provenant d’un