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exige que son président opère lui-même, prenne sa part à la besogne et travaille ferme. C’est d’un bon exemple.

Rien de plus honorable, de plus honnête que l’effort de l’ouvrier pour améliorer sa condition et celle de sa famille par l’intelligence, le travail et l’économie. Plus le succès paraît difficile, plus grand est le mérite, et les dépositions produites devant la commission d’enquête témoignent de l’activité et de la bonne conduite, poussées parfois jusqu’à la vertu, dont il a fallu que fussent doués quelques-uns de ces groupes d’ouvriers qui ont créé des sociétés coopératives. Mais la vertu ne suffit pas pour fonder une société d’industrie ou de commerce ; il y faut joindre au moins un certain degré d’instruction qui permette à l’associé de se rendre compte des dispositions légales, de ses devoirs et de ses droits. Or, il résulte de l’enquête que les fondateurs de la plupart des associations ouvrières ont été accrochés, dès leur premier acte de constitution, aux broussailles de la procédure et que leurs adhérens ne connaissent même pas l’une des obligations les plus essentielles que leur impose la loi de 1867. D’après l’article 52 de la loi, « l’associé qui cesse de faire partie de la société reste tenu, pendant cinq ans, envers les tiers, de toutes les obligations existant au moment de sa retraite. » Il n’est pas nécessaire d’expliquer les motifs et la gravité de cette clause. Interrogés sur le point de savoir si la crainte d’une responsabilité encourue pour un délai de cinq années ne ferait pas obstacle à la création des sociétés coopératives, les gérans ont répondu presque unanimement que les ouvriers ignorent cette condition, ou que, si par hasard, ils la connaissent, ils ne s’en inquiètent guère. Une fois sorti du groupe, l’associé se croit quitte et ne se soucie pas des engagemens qu’il peut laisser derrière lui. Si cette déclaration donne la mesure de la sincérité des déposans, elle n’est point faite pour établir le crédit des associations.

Aussi, est-il permis de dire que, sauf de très rares exceptions, ces sociétés bien intentionnées, mais mal armées pour la lutte des affaires, se sont engagées à l’aventure et paraissent incapables de résister à un chômage un peu prolongé. Telle est, du reste, l’opinion des gérans. Ceux-ci ne désirent point la réforme de la loi de 1867, ils demandent, avant tout, que le gouvernement s’arrange pour leur donner du travail, puis pour les protéger contre la concurrence des ouvriers et des produits étrangers ; quelques-uns même, profitant de l’occasion, prient la commission d’enquête de faire acheter par l’état les produits qui leur restent en magasin. — Peut-être l’ouverture des lycées de filles a-t-elle facilité le placement des vingt pianos que la société des facteurs avait à vendre. — Il faut, d’après les vœux exprimés, que les entrepreneurs de l’état et de la ville de Paris soient tenus de faire exécuter en France toutes