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une commission chargée : 1° de rechercher le moyen de faciliter aux associations ouvrières leur admission aux adjudications et soumissions des travaux de l’état ; 2° d’étudier dans quelle mesure il serait possible d’obtenir des entrepreneurs la participation de leurs ouvriers dans les bénéfices de leurs entreprises. Précédemment, le conseil municipal de Paris avait procédé à une enquête analogue afin d’attribuer aux associations ouvrières une part plus large dans l’exécution des travaux de la ville ; il était résulté de cette enquête que l’on pourrait faire abandon de la formalité du cautionnement exigé lors de l’adjudication, ce premier dépôt de fonds créant une difficulté souvent insurmontable pour des associations d’ouvriers. En outre, la commission municipale avait admis le principe d’un encouragement à accorder aux entrepreneurs qui s’engageraient à faire participer leurs ouvriers dans les bénéfices de leurs travaux. Par la première de ces mesures, elle voulait rendre service aux associations ouvrières ; par la seconde, elle comptait améliorer le salaire des ouvriers employés par les entrepreneurs adjudicataires de la ville. Dans les deux cas, les ouvriers, soit associés, soit simples salariés, étaient appelés à profiter des dispositions bienveillantes du conseil municipal. Nous réservons les objections que soulèvent en principe et dans la pratique ces combinaisons nouvelles. Pour apprécier une décision, il faut, d’abord, se rendre compte des motifs qui l’ont inspirée et se placer en quelque sorte dans le courant d’idées d’où elle est sortie. Le conseil municipal voulait, avant tout, manifester sa sollicitude pour le sort des ouvriers de Paris, et la majorité de ses membres saisissait l’occasion de réaliser, dans un premier essai justifié par l’état de crise, le système d’association que recommandent les programmes démocratiques. Dans ces limites, l’expérience pouvait offrir quelque intérêt et se poursuivre sans trop de périls ; elle ne concernait qu’une administration municipale, elle n’engageait pas le gouvernement.

L’enquête ordonnée par le ministère de l’intérieur a une portée plus générale. Il ne s’agit, en apparence, que de régler les conditions des travaux à exécuter pour le compte de l’état, de même que le conseil municipal de Paris avait étudié les conditions des travaux à exécuter pour le compte de la ville. Mais, en réalité, dans la pensée du ministre, la question vise tous les travaux, publics ou privés, le problème du travail. Dans le discours qu’il a prononcé en ouvrant les séances de la commission, M. Waldeck-Rousseau a marqué le but et il a indiqué, prématurément peut-être, le moyen de l’atteindre. Après avoir signalé et déploré la lutte qui existe entre le capital et la main-d’œuvre, entre les patrons et les ouvriers, il a proposé, comme « solution pacifique, progressive, » le système