Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/701

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUE LITTERAIRE

CORRESPONDANCE DE GUSTAVE FLAUBERT AVEC GEORGE SAND

S’ils eussent eu le bon goût, pour publier les Lettres de Gustave Flaubert à George Sand, d’attendre seulement quelque quinze ou vingt ans encore, on voit bien ou du moins on devine ce que les héritiers de Flaubert, sans aucun doute, et son libraire, peut-être, n’y eussent pas gagné ; mais on voit moins clairement ce que Flaubert lui-même, et ses lecteurs, et l’histoire littéraire enfin y eussent perdu. Cette manière d’honorer des morts, en les imprimant pour ainsi dire tout vifs, a décidément quelque chose de trop irrespectueux. Il est permis d’exploiter son oncle, tous les neveux le savent ; mais l’usage y demande cependant quelques précautions ; et l’usage en ce point, comme en tant d’autres, ne laisse pas d’avoir sa raison d’être. On a trouvé généralement que les éditeurs des Lettres de Flaubert à George Sand eussent bien fait de s’y conformer.

Il n’y a qu’une excuse à tant d’empressement : c’est quand les éditeurs d’une correspondance de ce genre ont ce scrupule au moins de profiter de leur situation privilégiée pour l’éditer correctement, y joindre les éclaircissemens qu’elle réclame toujours, et, — je le dirai sans plus d’égards pour les manies de notre temps, — en faire ce que l’on appelait autrefois la toilette. Cette excuse, les éditeurs des Lettres de Gustave Flaubert à George Sand ne l’ont même pas. Dirai-je que je les soupçonne d’avoir gardé par devers eux des lettres entières ? Je dirai du moins que s’il en manque, et il en manque, c’était strictement leur devoir d’éditeurs de nous en avertir. Il est vrai que, par compensation, ils ont laissé tout au long s’étaler dans cette correspondance les jurons, encore plus inutiles qu’indécens, dont Flaubert entaillait à plaisir sa prose familière ! S’ils ne nous ont pas signalé les lacunes de la Correspondance, les éditeurs ne nous ont pas davantage donné les