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découvertes, lorsque des difficultés suscitées par des voisins vinrent les interrompre. La chimie n’a qu’un défaut : elle ne sent pas toujours bon, il faut en convenir et excuser les voisins qui ne connaissent d’elle que ce côté désagréable. La fermeture de l’usine de Ris n’en fut pas moins fâcheuse : si l’on avait vu des savans, de vrais savans, de vrais inventeurs, tirer profit de leurs inventions, c’eût été un cas rare, une curiosité de notre époque. et l’on peut être sûr que, dans cette usine modèle, de tels industriels n’eussent pas délaissé la science pour l’industrie. La médaille d’honneur qui leur fut décernée à l’exposition de 1878, sur le rapport de M. Würtz, fut la bien juste récompense de leurs travaux.

Aujourd’hui les brevets de MM. Girard et de Laire sont exploités par M. Poirrier, à Saint-Denis. M. de Laire dirige une usine de produits chimiques à Grenelle, et M. Girard est le chef de ce laboratoire municipal de Paris qui inspire à nos marchands de vin et à nos épiciers une terreur si salutaire et une haine si comique. Les débitans d’eau rougie par la fuchsine ont à qui s’adresser ; et M. Girard, qui sait comment la fuchsine se prépare, ne doit pas les ménager. Ce n’est pas seulement de la fuchsine qu’ils mettent dans leur vin : c’est de l’arsenic, car la fuchsine n’en est jamais complètement débarrassée.


VI

Les huiles légères du goudron sont composées presque uniquement de carbures d’hydrogène : dans les huiles lourdes, on trouve. avec quelques carbures très condensés des bases et des acides : elles contiennent, par exemple, cette aniline toute formée, que l’industrie n’a pas trouvé avantage à extraire, et l’acide phénique, si utilement employé aujourd’hui contre les miasmes et les germes de maladies.

Cet acide a rendu aussi quelques services aux fabricans de matières colorantes. En 1834, Runge, préparant de l’acide phénique, trouva parmi les résidus une matière jaune qui fut nommée coralline ou acide rosolique. En 1859, M. Jules Persoz, en faisant chauffer cette matière avec l’ammoniaque, obtint une fort belle substance rouge qu’il appela péonine, parce qu’elle rappelait le rouge des pivoines. M. Persoz céda ses brevets à la maison Guinon, Marnas et Bonnet (de Lyon), qui sut en tirer bon parti. Deux ans après, cette maison mettait en vente une substance bleu de ciel, l’azuline, qui était aussi un dérivé de l’acide rosolique.

Qu’est-ce que l’acide rosolique ? La question n’est pas très clairement tranchée. M. Fresenius a soutenu que ce prétendu acide