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La benzine et le toluène mélangés ont fourni, après divers traitemens, un mélange d’aniline et de toluidine. Deux molécules de toluidine et une molécule d’aniline se sont soudées, en perdant de l’hydrogène, pour former une molécule de rosaniline. Or deux molécules d’aniline et une molécule de toluidine, perdant aussi de l’hydrogène, pourraient aussi se souder comme les premières. Et enfin trois molécules d’aniline, ou trois molécules de toluidine, pourraient se souder ensemble, toujours en perdant de l’hydrogène. Voici quatre arrangemens distincts ; quatre cas possibles, conçus par la théorie et réalisés en pratique. Au premier cas, on avait eu la rosaniline ; au second, on aura la mauvaniline ; au troisième, la violaniline ; au quatrième, la chrysotoluidine.

Nous avons décrit la première. La seconde forme des cristaux d’un brun clair qui deviennent plus foncés lorsqu’on les chauffe ; les liquides dans lesquels ces cristaux ont été dissous prennent une teinte violette. La violaniline est peu soluble, et il est difficile de Savoir cristallisée : c’est une poudre d’un brun presque noir. Ses sels, quand on ajoute à leur dissolution quelques gouttes d’acide sulfurique concentré, se colorent en bleu foncé. Enfin, la chrysotoluidine est jaune. Tous ces corps ont pu se former pendant la préparation de la fuchsine. Quand le travail est achevé, la filtration, les différences de solubilité, la cristallisation, les séparent les uns des autres. Pour ceux qui ne se sont point cristallisés, la séparation est difficile et demeure incomplète : le rouge reste uni au jaune, en proportion plus ou moins grande, et donne le marron ou le grenat.

Depuis le début de tout ce travail, depuis la cornue à gaz, où nous avons montré les carbures d’hydrogène s’associant entre eux en se décomposant de mille façons pour constituer des corps nouveaux, on a pu voir que la chimie de la houille n’a pas toujours besoin d’emprunter à la chimie minérale ses puissans réactifs, tels que les acides sulfurique ou nitrique, la soude ou la potasse ; et que les composés du carbone, les plus voisins par leur constitution et leurs propriétés, sont très souvent capables de réagir les uns sur les autres et de se transformer, sans l’intervention d’agens étrangers. Il ne s’agit plus seulement d’acides s’unissant à des bases pour donner naissance à une troisième espèce de corps, les sels. Les carbures, les bases, s’associent, se soudent deux à deux ou trois à trois avec ou sans perte d’un de leurs élémens ; ces corps forment ainsi une molécule double ou triple des composantes, bien qu’appartenant encore au même type chimique.

L’industrie doit à MM. Charles Girard et de Laire la première idée d’une réaction de ce genre r idée vraiment scientifique et féconde en découvertes. Les chimistes entendent par radicaux organiques certains groupes d’atomes de carbone et d’hydrogène, qui