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plus souvent elle est employée à l’état de sel. Elle ne fournit pas seulement la couleur rouge ; suivant les manières dont on la traite et les combinaisons dans lesquelles on l’engage, on voit se succéder toutes les teintes, et, pour ainsi dire, tous les rayons du prisme.

Le violet fut le premier découvert. En 1856, M. Perkin cherchait à reproduire artificiellement la quinine. Il fit réagir, en présence de l’eau, le bichromate de potasse, corps très oxydant, sur le sulfate d’aniline ; le mélange se colora d’une belle nuance violette. Perkin renonça aussitôt à son premier sujet de recherches et réussit à fabriquer industriellement la matière colorante qu’il avait trouvée. Le violet Perkin, appelé aussi mauvéine, devint fort à la mode en Angleterre et dans les soieries de Lyon.

Trois ans après, MM. Renard et Verguin livrèrent au commerce une nouvelle substance rouge pourpre. C’était encore un sel de rosaniline, on le préparait en traitant l’aniline commerciale par un agent chimique de nature à lui enlever de l’hydrogène, le bichlorure d’étain. MM. Renard et Verguin versaient peu à peu ces corps dans de petites marmites en fonte émaillée, contenant déjà l’aniline. Ces marmites étaient chauffées à feu nu : des vapeurs irritantes se dégageaient et s’échappaient par une cheminée d’appel. Quand le mélange était devenu rouge foncé, presque noir, on laissait refroidir : la fuchsine, — c’est le nom qui fut donné à cette substance, — était prête à être confiée aux teinturiers, — ou aux marchands de vin. — Cette fuchsine, qu’on ne prenait pas soin de purifier, était un mélange de chlorhydrate de rosaniline et de divers sels d’étain.

Aujourd’hui, on oxyde l’aniline par l’acide arsénique. Le procédé fut breveté à peu près en même temps en France et en Angleterre. Dans de grandes chaudières chauffées sur voûte, on introduit 1,000 kilogrammes d’aniline commerciale et 1,500 kilogrammes d’une solution très concentrée d’acide arsénique. On chauffe pendant sept ou huit heures. Environ la moitié de l’aniline, n’entrant point en réaction, s’évapore et est recueillie dans un appareil réfrigérant. Cette aniline n’est plus mêlée de toluidine, puisque la toluidine a été retenue pour former la rosaniline.

L’opération finie, on peut, en laissant refroidir, obtenir une masse solide, rougeâtre, à reflets cuivrés. Il faut alors, avant de redissoudre cette masse, la pulvériser dans un moulin, ce qui est fort dangereux. Malgré les précautions prises par les ouvriers, qui ne travaillent que les mains gantées et un mouchoir attaché sur la bouche, il y a des cas d’empoisonnement par les poussières arsenicales ; aussi a-t-on cherché et trouvé une méthode nouvelle. On ferme par un robinet le tube abducteur des vapeurs d’aniline, et on introduit de la vapeur d’eau à haute pression. Un autre robinet