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ressource et qu’un devoir : chercher constamment le progrès. C’est ce qu’ont fait M. Renard à Lyon, M. Coupier à Creil, M. Dehaynin à Paris, M. Poirrier à Saint-Denis, et tant d’autres honorables fabricans. Après tant de travaux et de progrès, il reste à leurs successeurs de belles recherches à entreprendre et de belles découvertes à espérer.


V

Tout le travail accompli jusqu’à présent n’a été qu’un travail préparatoire. Nous avons vu Le goudron se constituer par les mille réactions que la chaleur rouge provoque entre les substances organiques de la houille. Puis les huiles légères, moyennes et lourdes ont été séparées les unes des autres. Des huiles légères on a tiré la benzine ; de la benzine on a fait la nitrobenzine, puis l’aniline. Toutes ces matières sont incolores ; mais le moment est venu où les, couleurs voit apparaître. En désoxygénant la nitrobenzine, on a obtenu l’aniline ; en traitant l’aniline par des agens oxydans, on pourrait s’attendre à retrouver la nitrobenzine. Ce serait une erreur : sans doute, l’oxygène se fixe sur l’hydrogène de l’aniline ; mais, pour cela, des atomes d’hydrogène se séparent de la molécule d’aniline. Ce n’est pas l’oxygène qui se fixe, c’est l’hydrogène qui s’en va. Puis un phénomène de condensation s’opère : plusieurs molécules sa rapprochent et s’unissent pour ne plus former qu’une molécule de rusaniline.

Ainsi se constitue, grâce à la réaction de presque tous les agens oxydans connus en chimie sur l’aniline, cette merveilleuse matière colorante. Chose curieuse, la rosaniline ne serait point formée, si l’aniline était absolument pure : théoriquement, sa molécule est faite par une molécule d’aniline et deux molécules de toluidine soudées ensemble, perdant à elles trois six atomes d’hydrogène. On ne l’obtient pas en oxydant séparément l’une ou l’autre des deux bases.

La rosaniline est solide à la température ordinaire ; elle cristallise facilement. Ses cristaux ont la forme de tablettes ou de fines aiguilles. Quand ils se sont formés à l’abri de l’air, ils sont blancs ; au contact de l’air, on les voit devenir roses, puis rouges. Quel changement ont-ils subi ? C’est un mystère.. Certains chimistes ont prétendu qu’ils absorbaient de l’acide carbonique ; mais M. Hofmann assure que leur composition n’a pas changé.

La rosaniline se dissout dans l’eau ; elle se dissout en plus grande quantité dans l’alcool, surtout à haute température, et donne à ce liquide une belle couleur pourpre. C’est une base si puissante qu’elle déplace l’ammoniaque : de ses combinaisons salines, et le