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Comment, dira-t-on, ce produit d’un usage si commun n’a-t-il pas été étudié par tous les chimistes ? Les industriels n’ont-ils pas l’habitude de faire faire des analyses des houilles qu’ils emploient ? Ce ne sont pas de véritables analyses. Quelques chimistes ont essayé sans succès d’analyser la houille. Et, quant aux commerçans, on leur indique la proportion des matières étrangères, telles que le sulfure de fer, qui sont unies à la houille ; on leur apprend à peu près quel rendement ils peuvent attendre en coke, en goudron ou en gaz ; on classe leur échantillon parmi les houilles riches, maigres ou grasses, à longue ou à courte flamme. Mais on n’a pas séparé et déterminé les élémens chimiques. Ce n’est là ni une analyse élémentaire ni même une analyse immédiate.

À la vérité, cette étude, qui importerait tant à la science et à l’industrie, est fort embarrassante. Pour séparer un mélange intime de plusieurs corps, le chimiste ne dispose pas de très nombreuses ressources. Le premier moyen qui se présente à lui, c’est la distillation. Quand la température s’élève, les corps divers se sublimeront les uns après les autres, suivant leurs différens degrés de volatilité ; chacun d’eux, sous la même pression atmosphérique, passe de l’état solide à l’état liquide, puis de l’état liquide à l’état gazeux lorsque le thermomètre indique une certaine température, et c’est invariablement à la même température que le phénomène se produira. C’est ce qu’on appelle le point de fusion, le point d’ébullition. Ainsi peuvent s’opérer des distillations fractionnées. Lorsque le mélange est chauffé à un certain degré, on recueille certains corps dans le récipient refroidi. Dès que l’on portera la température à un degré plus haut, on verra passer par le col de l’alambic un autre corps, qui est resté séparé du premier parce que tout à l’heure il n’avait pas atteint son point d’ébullition.

Mais que fera le chimiste si les corps mélangés sont de nature à être modifiés par la chaleur ; si, portés à une température élevée, ils doivent réagir les uns sur les autres et donner naissance à de nouvelles combinaisons ? Il peut distiller à une température moins haute, à la condition de se débarrasser de la pression atmosphérique. Lorsque les corps sont soustraits à cette pression, leur point d’ébullition est beaucoup plus bas : sur une haute montagne, l’eau se transforme en vapeur à moins de 10 J degrés. Le point d’ébullition baisse en même temps que la pression diminue, et, dans le vide, il descend à son minimum. Si cette chaleur minima est encore trop forte, si elle suffit à rompre l’équilibre moléculaire des corps mélangés et à provoquer entre eux des réactions, il faudra opérer à une température beaucoup plus basse et essayer l’effet des dissolvans. Les corps divers étant plus ou moins solubles dans les divers dissolvans, il y a là encore un moyen de séparation.