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LA HOUILLE
ET
LES MATIERES COLORANTES


I

Depuis trente ans environ, l’agriculture de certaines contrées subit une concurrence imprévue : des produits végétaux, identiques à ceux qu’elle pouvait fournir, ont été tirés de la houille. La houille n’était employée d’abord que comme un combustible ; ensuite elle a donné des gaz et même des huiles utiles à l’éclairage. Maintenant ou lui doit des parfums et des couleurs : le parfum des amandes amères, celui de la vanille, découvert tout récemment ; le rouge orangé de la garance, qui n’est plus cultivée autour d’Avignon. Nous tirons des houillères ce que nous cherchions autrefois dans les plantes vivantes, et l’art du chimiste a fabriqué, — c’est le mot propre, — des substances végétales.

Serait-il vrai cependant de dire que les substances végétales ont été reconstituées au moyen d’élémens minéraux ? Assurément non : la houille n’est pas un minéral, mais un produit végétal décomposé. La houille n’est pas le carbone pur ; c’est un mélange de corps hydrocarbonés, de ces combinaisons que la chimie appelle organiques, parce qu’elles proviennent d’organismes vivans et qu’elles gardent un caractère, un signe distinctif propre aux substances qui ont été animées par la vie. Ce n’est donc pas le monde minéral qui nous offre les parfums et les couleurs fournis jadis par les herbes et les fleurs : c’est un monde intermédiaire, où se conservent les débris de la végétation des premiers âges.

La houille est une matière végétale. S’il est permis de