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Nous en citerons les passages qui peuvent servir à éclairer l’histoire personnelle ou philosophique de Victor Cousin de 1824 à 1830. Les lettres de Cousin sont au nombre de douze ; mais un certain nombre ne sont que des billets. Nous n’en avons que cinq de Hegel ; mais elles sont longues et détaillées. Enfin, une dernière lettre du philosophe Gans, qui annonce la mort de Hegel à Cousin, nous apprend sur cette mort quelques détails dignes d’intérêt. La première en date est de Hegel. Elle est du 5 août 1818, en réponse à un billet de Cousin que nous n’avons pas, où il lui annonçait son prochain voyage à Munich et lui demandait des lettres d’introduction pour ses amis. Nous en extrayons tout ce qui a quelque rapport aux affaires de la philosophie et ce qui intéresse Hegel lui-même.


« M. Roth, historien et politique, habite la même maison que M. Jacobi, à qui je le prie de vous présenter et auquel vous ne manquerez pas sans cela de rendre visite : je vous prie de lui témoigner toute l’estime et l’amour que je ne cesse de lui porter, et encore de lui dire que je n’ai pas oublié que c’est lui qui ait donné la première impulsion à ma vocation pour Berlin[1]. Ensuite je vous prie de faire mes complimens à M. Méthamer, conseiller à la section des études… Pour la manière de penser de ces messieurs, vous les trouverez très libéraux, du reste avec des nuances que vous saisirez aisément, et qui tirent peut-être un peu vers ce patriotisme teutonique et antifrançais. Pour M. Schelling, je vous prie de le saluer de ma part ; vous trouverez sans doute auprès de lui un accueil ouvert et une façon de parler politique sans préjugés anti-français. Il est peut-être superflu d’ajouter que MM. Schelling et Méthamer sont bien ensemble ; mais que MM. Schelling et Jacobi sont sur un pied tel qu’il est plus convenable de, ne pas faire mention d’une liaison avec l’un dans la conversation avec l’autre… A Stuttgart, ma ville natale, où j’ai passé ce printemps quelques jours après vingt ans d’absence, il m’est bien resté quelques anciens amis, surtout M. Schelling, frère du philosophe et médecin. Pour des philosophes, il y a M. Fishaber, professeur au gymnase, qui vient de publier le premier cahier d’un journal philosophique où il y a plusieurs articles de M. Schwab, philosophe et antikantien, qui a remporté, je crois, en partage avec M. Rivarol, il y a trente ans, un prix à l’Académie de Berlin sur les causes de l’universalité de la langue française ; mais je ne connais aucun d’eux personnellement. Pour Tubingue, j’ai écrit une lettre pour vous à M. Eschenmaier, philosophe, surtout ami du magnétisme animal. Vous ne m’indiquez pas l’époque à laquelle vous pensez à peu près arriver ici : c’est

  1. Il veut dire que c’est Jacobi qui, le premier, a pensé à le faire appeler à Berlin.