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muni de bons tolets qui ont laissé leur trace sur le bracelet en cuir des avirons. Quitter la terre, ramer, se sentir balancé sur « une onde paisible, » c’est un plaisir ineffable pour les malades, et j’ajouterai que c’est un plaisir hygiénique, qui développe les muscles pectoraux et force la respiration à pénétrer dans le profond des bronchos ; il en est de même du jeu des grâces, que recommandent la sagacité et l’expérience du médecin. J’ai été très frappé de ce fait qu’à Villepinte, le but que l’on cherche à atteindre reste toujours en vue et que les amusemens mêmes concourent à la guérison ou à l’amélioration des malades.

Les pauvres filles poitrinaires qui sont reçues et soignées à l’asile de Marie-Auxiliatrice se doutent-elles qu’elles sont privilégiées et qu’elles sont l’objet d’une rare faveur de la fortune ? Deux cent vingt-neuf, nous l’avons dit, ont été admises dans la maison au courant de l’année 1883. Deux cent vingt-neuf ! quel chiffre dérisoire en comparaison du nombre excessif des malheureuses qui voient se fermer devant elles la porte des hôpitaux et qui s’en vont souffrir, tousser, cracher la vie dans la soupente des loges de portier, dans la mansarde glaciale en hiver, brûlante en été, dans le grenier où l’indifférence, où la misère des parens les a reléguées ! Pour celles-ci, tout est néfaste ; la vigueur leur fait défaut, elles ne peuvent travailler ; elles ne sont pas seulement des bouches inutiles, elles sont des bouches onéreuses ; il faudrait les nourrir cependant et les tonifier ; la viande coûte cher, le vin coûte cher, le médicament coûte cher ; autour d’elles, on est irrité de ce surcroît de dépenses ; on se gêne peu pour le faire sentir. Plus d’une, sans avoir l’oreille bien fine, a entendu dire : « Elle n’en finira donc pas d’être malade ! » Pour ces pauvrettes que la mort a choisies et qu’elle tarde à saisir, l’asile de Villepinte voudrait s’ouvrir ; mais, hélas ! où les mettre ? Le château est plein, la ferme est pleine, toutes les places sont prises ; quand la phtisie a emporté une malade, on se hâte de changer les draps de lit pour celle qui va venir. Ce n’est pas la bonne volonté qui manque ; la maternité des sœurs voudrait embrasser toutes les souffrances et les adoucir. On a tiré parti des recoins les plus resserrés ; partout où l’on a pu installer une couchette, on a accepté une malade ; on s’est tassé, plus même qu’il ne conviendrait. Dans le compte-rendu du conseil médical de l’œuvre (1882), je lis : « L’hygiène hospitalière exige de 40 à 50 mètres cubes d’air par jour et par lit ; nous n’avons pu leur en accorder que 12 seulement. »

A Villepinte, comme dans presque tous les endroits où la misère humaine vient chercher un refuge, c’est la place qui fait défaut ; pour parler d’une façon plus précise, c’est le logement. Le parc est