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formèrent entre eux une société immobilière afin d’acquérir un domaine dont les sœurs de Marie-Auxiliatrice deviendraient locataires et où elles pourraient donner à leur infirmerie des proportions qui en feraient un institut de haute utilité. Ce fut alors, — 1881, — que l’on acheta, à 18 kilomètres de Paris, le château de Villepinte, qui est desservi par le chemin de fer du Nord, à la station de Sevran. Le fief de Villepinte était autrefois dans la mouvance de l’abbaye de Saint-Denis ; au XIIe siècle, il appartenait au seigneur Hugo Lupus, le même sans doute qui possédait le clos où les ribauds et les ribaudes avaient installé « le clapier » que Charles IX fit détruire le 27 mars 1565 ; par la contraction des deux noms de son propriétaire, le clapier s’appelait le Hueleu ; le peuple de Paris, habile à dénaturer les étymologies, nous en a conservé la tradition par les rues du Grand et du Petit-Hurleur. Le château, qui n’est qu’une maison de plaisance, a des origines plus modernes ; il date de la fin du règne de Louis XIII ou du commencement de celui de Louis XIV. On voit, dans un rôle de 1649, qu’un sieur de Flexelles, président ès-comptes, est imposé pour une maison à Villepinte ; est-ce lui qui a bâti le château ? La propriété a eu des fortunes diverses, elle a été morcelée, puis réunie dans l’état primitif, actuellement elle se compose de la maison d’habitation, de bâtimens ayant fait office de ferme, et d’un parc de 11 hectares. L’œuvre s’y installa le 19 mars 1881. Si le développement et l’aménagement des constructions étaient en rapport avec l’étendue des jardins, ce serait la plus belle infirmerie du monde.

On n’y est pas admis d’emblée ; c’est Paris qui alimente Villepinte, le château n’est qu’une dépendance de la maison de la rue de Maubeuge ; là fonctionne le dispensaire que toute malade doit traverser avant d’être dirigée sur l’asile. Deux fois par semaine, des maîtres ès-sciences médicales, les docteurs Cadier et Gouël, examinent les pauvres filles postulantes que la maladie étreint et qui, dans le milieu où elles vivent, où elles meurent, ne trouvent que l’accroissement de leurs souffrances et le découragement. Le cabinet de consultation est petit, presque obscur, car il prend jour sur la cour sans clarté, qu’assombrissent les murs de la maison, où sont installés le pensionnat et le chômage ; mobilier modeste, quelques gravures de sainteté appendues aux murailles ; des fioles, des instrumens d’investigation à la portée du médecin ; un bec de gaz flambe et projette sa lumière à travers le tube et le verre grossissant d’un laryngoscope. Le docteur a passé sur ses vêtemens la serpillière blanche ; la supérieure, un crayon et un registre en main, se lient à ses côtés, prête à écrire les prescriptions et à donner ordre de délivrer gratuitement, par la pharmacie de la maison, les médicamens ordonnés. Une à une,