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sortent d’une source située à quinze milles romains d’Anchiale, étant réputées les plus efficaces que l’on connaisse au monde pour rendre la santé et la vigueur aux malades. » De cette station balnéaire, les Gotha eurent peu de peine à remonter le long du rivage jusqu’aux bouches du Borysthène.

L’effroi que cette irruption sans précédent, plus terrible cent fois que celle de Xerxès, sema sur sa route, n’a pas permis aux historiens de nous en transmettre un récit circonstancié et fidèle, c’est plutôt un cri d’horreur qu’une relation détaillée qui est parvenue jusque nous. « L’incendie, écrit Ammien Marcellin, s’est promené sur la Macédoine entière ; Thessalonique et Cyzique se sont vues bloquées par des myriades d’hommes ; Anchiale et Nicopolis ont été saccagées ; Philippopolis fut détruite de fond en comble. L’Êpire, la Thessalie, toute la Grèce enfin, subirent les effroyables rigueurs de l’invasion. » Les irruptions par terre, les dévastations maritimes, tout se confond dans la pensée de l’éloquent écrivain. Pour nous, il n’est qu’un fait qu’il nous importe de retenir : c’est le trouble que doit jeter, dans la défense d’un vaste territoire, l’action d’une flottille quand elle porte une armée.


IV

L’empire russe, pendant la guerre de 1854, ne s’est trouvé vulnérable que sur deux des points de son grand développement de côtes : Bomarsund et Sébastopol. Si les hostilités se fussent prolongées, il n’est point impossible que, les préparatifs des alliés étant devenus plus sérieux et mieux combinés, la capitale même, la ville de Pierre le Grand, n’eût point été tout à fait à l’abri d’un débarquement. La revue navale de Portsmouth, qui suivit de si près la conclusion de la paix, montra du moins que les Anglais n’avaient rien négligé pour se mettre en mesure de porter au besoin ce coup décisif. Toute une flottille de canonnières fut improvisée dans le court espace d’un printemps : la paix signée, on remonta sur des cales couvertes ces escadrilles dont on ne savait plus que faire. Assurée de pouvoir les préserver ainsi d’un trop prompt dépérissement, l’Angleterre les garda pour une autre occasion, ne désespérant peut-être pas de faire naître cette occasion un jour. L’événement trompa son attente : les canonnières ne sont plus, très probablement à cette heure, que du bois pourri. Les arsenaux britanniques n’en avaient pas moins fourni la preuve incontestable de leur prodigieuse puissance de production. L’effet moral a eu, je n’hésite pas à l’affirmer, sur les négociations qui se poursuivaient une influence notable.