Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/529

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

formidable ; les flèches, les javelots, les pierres, les traits énormes que dardent les balistes, pleuvront de tous côtés. Cette grêle de projectiles empêchera vraisemblablement les barbares d’aborder corps à corps la phalange. Supposons cependant que les Scythes, malgré tout, arrivent à nous joindre : les trois premiers rangs, se touchant des épaules, se couvrant de leurs boucliers, soutiendront, sans broncher, le choc ; le quatrième rang enverra ses traits par-dessus la tête des trois autres. Dès que l’ennemi fera mine de reculer, on lancera contre lui la cavalerie. La phalange prendra en même temps le pas accéléré et suivra la cavalerie d’aussi près que possible, pour la soutenir au besoin. »

Les provinces romaines étaient déjà envahies quand Dèce monta sur le trône. Ce vaillant général ne pouvait laisser dévaster impunément le territoire de l’empire : il dut prendre l’offensive. Dèce trouva les barbares occupés au siège de Nicopolis, ville fondée par Trajan sur le Jaterus en Mœsie. Les Goths, à son approche, se retirent : ils se retirent de la Mœsie, mais c’est pour aller assaillir la Thrace. Philippopolis, qu’ils investissent, est emporté d’assaut ; près de 100,000 hommes y périssent. Dèce revient à la charge : il attaque les Goths sous les murs d’une bourgade de la Mœsie. Une bataille des plus sanglantes s’engage : Dèce et son fils y succombent. Le successeur que l’armée leur donne achète la paix et la retraite des barbares d’un prix ignominieux ; Gallus consent à payer un tribut annuel aux Goths. Rome, à ce coup inattendu, s’indigne ; le gouverneur de la Pannonie et de la Mœsie, Émilien, renie l’odieux traité et ranime le courage des troupes ; les barbares sont chassés au-delà du Danube. La victoire a fait d’Émilien un empereur ; Gallus est immolé par ses propres soldats. Mais déjà Valérien est en route à la tête des légions de la Gaule et de la Germanie : Valérien se propose de venger Gallus. Le règne d’Émilien aura duré quatre mois ; l’armée qui lui donna la pourpre sur le champ de bataille n’hésite pas à tremper ses mains dans le sang d’un souverain dont elle est déjà lasse.

Le trône est maintenant occupé par un général de soixante ans. Le sénat montrait d’ordinaire un goût prononcé pour les vieux empereurs, le soldat aimait mieux les jeunes. Maxime avait soixante ans, Balbin soixante-quatorze quand le sénat les choisit, Gordien treize ans seulement quand le peuple exigea qu’on lui déférât le titre de césar, quelques mois de plus à peine quand les prétoriens l’appelèrent à remplir le trône vacant. Pour tout concilier, Valérien associa son fils Gallien à l’empire. Valérien brilla, nous assure l’histoire, d’un très vif éclat, tant qu’il eut la sagesse de se contenter du second rang : on vantait son courage, sa piété, la douceur de ses mœurs, l’étendue de ses connaissances. Monté sur le faite, il ne peut