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promesses, tous les princes d’Allemagne, et qui s’est vanté d’écraser la maison d’Autriche ? Je n’ai poussé que trop loin la condescendance. Cédant à la nécessité, j’ai abaissé la dignité royale jusqu’à écrire au cardinal dans des termes qui auraient attendri un rocher : il a rejeté insolemment mes prières. Je puis démontrer, pièces en main, que la France a cherché à exciter la sédition dans le cœur même de mes états, qu’elle a cherché à renverser les lois fondamentales de l’empire et à mettre le feu aux quatre coins de l’Allemagne ; je laisserai ces preuves pour avertir la postérité. » Entraînée par son éloquence, l’unanimité des ministres se rangea avec elle du parti d’une résistance absolue. C’était, d’ailleurs, le tort généralement reproché aux hommes d’état autrichiens d’alors d’être aussi présomptueux dans la bonne fortune que facilement abattus dans la mauvaise. Le vieux Bartenstein, autrefois partisan décidé de la France, se montra cette fois aussi hostile que Stahremberg lui-même, dont les sentimens étaient, dit Robinson, pétrifiés par quarante années de haine invétérée[1].

Dictée par de tels avis, la réponse que Stainville transmit enfin dans les premiers jours d’août fut conçue dans des termes d’une sécheresse hautaine : « La reine, y était-il dit, a été aussi attentive qu’il était humainement possible de l’être à ne pas donner une ombre de prétexte à ses injustes ennemis de l’attaquer, et M. le cardinal de Fleury doit connaître mieux que personne ses sentimens pacifiques. On n’en a fait nul cas dans le temps qu’on a cru pouvoir l’opprimer. La reine a en main des preuves authentiques de tout le mal qu’on a voulu lui faire, jusqu’à perdre de vue le christianisme. L’espérance d’y réussir est maintenant évanouie, et les choses ont beaucoup changé de face. Cependant on a d’avance ruiné et saccagé ses états, renversé les constitutions fondamentales de l’empire, opprimé la liberté germanique, et il n’a pas tenu à la France d’anéantir la maison d’Autriche, qu’on prétendait ne plus exister, et tout ceci s’est fait sans nul égard aux traités et garanties les plus solennels. On s’est même vanté de vouloir dicter des lois sur les bastions de Vienne, et il ne s’est agi de rien moins que de faire passer sous ce joug l’Allemagne et toute l’Europe. La cause de la reine est donc devenue celle de tous les princes de l’empire, vrais patriotes, et de toutes les puissances qui ont à cœur le repos et l’indépendance. Il s’agit d’assurer l’un et l’autre avec leur concours, sans lequel on ne travaillerait qu’à une paix plâtrée, et,

  1. Coxe, loc. cit. — Robinson dit en propres termes : La persuasion de cette cour est que l’Angleterre veut donner la supériorité à la Prusse en Allemagne et à la Sardaigne en Italie, 3, 4 juillet 1742. (Correspondance de Vienne. Record Office.)