Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Les derniers jours de 1883 avaient fait naître l’espérance d’une prochaine reprise. La première quinzaine de janvier 1884 a pleinement justifié cette espérance. Les cours des valeurs mobilières, rentes françaises ou étrangères, actions de chemins de fer ou de banques, n’ont cessé de s’élever depuis le commencement du mois ; les affaires sont redevenues actives, le découragement a fait place à la confiance.

A quelles causes doit être attribué ce revirement soudain et profond ? Sans doute il s’est produit dans la situation politique une notable amélioration. Le cabinet est sorti indemne des luttes parlementaires de la session extraordinaire de 1883, et l’expédition du Tonkin n’inspire plus d’aussi vives alarmes qu’il y a un mois.

Les baissiers, auxquels toute liberté d’action a été laissée dans les derniers mois de 1883, ne comptaient sans doute pas que nos affaires prendraient cette tournure satisfaisante. Ils avaient fait entrer en ligne de compte dans leurs prévisions une crise ministérielle, un échec dans l’extrême Orient, une déclaration de guerre de la Chine, une révolution en Espagne, éventuellement des troubles en Europe au printemps. Rien n’arrivant de tout ce qu’ils avaient espéré de fâcheux, ils auraient pu toutefois trouver, dans l’état de marasme et de désorganisation où ils avaient réussi à plonger le marché, les moyens de se couvrir contre l’influence d’événemens favorables et de sortir avec tous les bénéfices de la lutte de la grande campagne de dépréciation engagée depuis la conversion et si vigoureusement menée en novembre et décembre.

Mais la haute banque n’a pas voulu laisser aux baissiers le loisir de se retourner ainsi en temps opportun. L’intervention, si longtemps et si vainement attendue en 1883 par la petite spéculation à la hausse à laquelle le coup de grâce a été donné le dernier mois, a fini par se produire avec cette brusquerie qui déconcerte les prévisions les mieux fondées et les calculs les plus solidement établis. Depuis le 20 décembre, le marché a eu le sentiment qu’il n’était plus abandonné à la merci des vendeurs, que des mains puissantes avaient ressaisi les rênes, et que l’attelage allait être dirigé. Les acheteurs qui sont entrés en scène. se sont fait reconnaître par la sûreté de l’impulsion donnée au