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la meilleure politique. Tout s’est malheureusement combiné dès l’origine de façon à ce que l’intervention qui aurait pu être la plus efficace soit devenue impossible. Les deux gouvernemens se sont trompés, l’un en cédant à des préoccupations égoïstes, l’autre en ne sachant pas prendre son rôle au moment opportun, et comme après tout, les récriminations sur le passé sont inutiles, il n’y a plus qu’à désirer que l’Angleterre sorte de là à son honneur, — comme aussi à l’honneur de l’Europe et de la civilisation.

Les problèmes qui s’agitent au-delà des Pyrénées sont moins lointains et d’un ordre moins général. Ils ont assurément un singulier intérêt, puisque le repos de la péninsule dépend de ce qui va se passer, de l’issue de la discussion de l’adresse engagée depuis quelques jours devant le congrès. L’Espagne continuera-t-elle l’expérience assez aventureuse inaugurée par le ministère de la gauche dynastique que préside M. Posada Herrera ? Reviendra-t-elle à la politique moins hasardée, libérale encore, du dernier ministère de M. Sagasta ? Reviendra-t-elle plus loin, à la politique conservatrice représentée avec éclat par M. Canovas del Castillo aux premiers temps de la restauration ? C’est là toute la question. Dès la première heure, il a été bien clair que la lutte était particulièrement entre les diverses fractions du libéralisme espagnol, entre les libéraux ralliés au nouveau ministère et les libéraux amis de M. Sagasta. Toutes les négociations, tous les essais de transaction avaient échoué dans la commission chargée de préparer la réponse au discours de la couronne. A peine le débat public-a-t-il été ouvert, le conflit a éclaté avec une vivacité de passion mal contenue. D’un côté, le président du conseil, M. Posada Herrera, et ses collègues du cabinet, le général Lopez Dominguez, M. Moret, ont énergiquement défendu le programme qu’ils ont adopté à leur arrivée au pouvoir avec l’assentiment du roi, où ils ont inscrit, entre bien d’autres réformes, la révision de la constitution et le suffrage universel, ou « universalisé, » suivant l’expression qui a passé dans le discours royal. D’un autre côté, les amis de M. Sagasta se sont nettement déclarés les adversaires du programme ministériel, de la révision de la constitution, aussi bien que du suffrage universel. Jusqu’ici les conservateurs espagnols ont pris une attitude assez curieuse dans ce débat, où ils ont eu pour porte-parole l’ancien ministre de l’intérieur M. Romero Robledo. Ils se sont pour ainsi dire constitués les témoins de ce duel entre libéraux. Ils sont prêts, assurément, à combattre les projets ministériels, qu’ils n’admettent à aucun degré ; ils sont pour le moins aussi opposés à la politique mixte de M. Sagasta. Ils élèvent leur drapeau entre les deux camps et ; s’ils avaient à choisir, ils préféreraient encore le libéralisme décidé du cabinet d’aujourd’hui au libéralisme mal défini du cabinet d’hier. Il résulte de tout cela un