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était pour lui une préparation naturelle à ce travail de la gravure dans lequel il rencontrait, comme un encouragement, l’exemple et les succès de Callot, son compatriote. Peut-être d’ailleurs en avait-il appris les élémens à Fribourg, chez son frère ou chez son premier maître, G. Wals, qui, suivant certains biographes, était aussi graveur. Plus tard, autour de lui, Pierre de Laar, Jean Miel, Sandrart lui-même et bien d’autres encore auraient pu lui enseigner la pratique de ce procédé alors fort en honneur. Ses eaux-fortes, — on en compte quarante-quatre, — sont de valeur fort inégale ; La première en date, la Tempête, montre une entente déjà complète des ressources du métier, et à ce moment du reste (1630), Claude était déjà un artiste de talent. A côté de certaines planches d’une facture un peu molle et confuse, il en est d’autres, comme le Lever du soleil et le Passage du gué de 1634, comme le Campo Vaccino et surtout le Bouvier de 1636, ou encore le Troupeau en marche par un temps orageux et la Danse au bord de l’eau, qui sont des merveilles de grâce et de finesse. Ainsi que l’a remarqué M. Duplessis, Claude y montre une liberté extrême. Sans se préoccuper des difficultés techniques, ainsi que ferait un graveur de profession, il s’ingénie, en combinant entre eux les procédés les plus divers, à exprimer de son mieux sa pensée. Avec le burin pas plus qu’avec la plume, il ne vise à faire étalage de science, et son travail gagne à cette liberté un cachet très personnel d’élégance et de légèreté.

C’est dans les belles épreuves du Cabinet des estampes qu’il faut admirer la souplesse, la transparence et la sûreté avec lesquelles sont traités les groupes d’arbres du Bouvier, de Mercure et Argus et du Chevrier. Il semble, en vérité, que la planche du Pâtre et la Bergère ait été gravée en face même de la nature, tant l’exécution en est vivante, précise et facile, pleine de franchise et d’abandon. Parmi les personnages et les animaux assez nombreux qu’on remarque dans ces eaux-fortes et qui, tous, évidemment, sont de la main de Claude, quelques-uns sont assez gauchement indiqués. Mais, chez d’autres, la justesse des mouvemens, lai vérité des attitudes, montrent qu’à l’occasion il valait sur ce point les collaborateurs, — d’ailleurs moins nombreux qu’on le suppose, — auxquels il a eu recours. De toute façon, ces eaux-fortes font honneur à l’artiste, et il dut encore tirer profit pour son talent de l’obligation que lui imposa ce métier, nouveau pour lui, de résumer d’une façon plus précise les côtés significatifs de ses compositions, d’indiquer, comme il sut le faire en, quelques traits, la végétation d’un paysage, le caractère des terrains, le grand vol des nuages et jusqu’au mouvement de la lumière, dont il semble que, dans le Soleil couchant surtout, il ait exprimé d’une touche délicate les vibrations et le radieux éclat.