Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rome l’élève d’Agostino Tassi, il s’était de nouveau fixé à Naples, où il peignait de petits tableaux aujourd’hui très rares et qui, par leurs dimensions et leur fini, rappellent ceux d’Elsheimer[1]. Le séjour de Claude à Naples nous est confirmé par l’œuvre entière de notre paysagiste. Ces ports de mer, qui y tiennent une si grande place, et que, depuis ses débuts jusqu’à la fin de sa carrière, il ne s’est pas lassé de reproduire, ces ports et la lumière qui les inonde, c’est évidemment à Naples ou aux environs qu’il a dû les étudier et se pénétrer de leur beauté.

Dès 1619 cependant, le Lorrain était de retour à Rome ; car, d’après un document communiqué par M. Müntz, nous l’y voyons employé chez le cardinal Montalto à des travaux de décoration dont la direction était confiée au peintre Agostino Tassi, auquel Wals, son élève, l’avait sans doute recommandé. L’honneur d’avoir été le maître de Claude préserve seul aujourd’hui le nom de Tassi d’un oubli complet. C’était cependant alors un peintre fort célèbre, mais ses contemporains ou ses biographes nous apportent sur lui les témoignages les plus contradictoires. Sandrart le représente comme un homme aimable et gai dont la bonne humeur n’était en rien altérée par les souffrances que la goutte lui faisait endurer, et, suivant Baldinucci, Claude n’aurait pu rencontrer un meilleur guide, puisque la vraie supériorité de son nouveau maître se montrait surtout dans la peinture des paysages, et principalement des marines, auxquelles il excellait. Tassi n’est pas aussi bien traité par d’autres écrivains. Salvator Rosa, dans sa Satire sur la peinture, ne l’épargne guère, et, si l’on en croit Passeri, qui le charge encore davantage, les occasions qu’il eut d’étudier de près la mer, les ports et les vaisseaux, lui auraient été fournies par un séjour forcé à Livourne, où, pour certains méfaits de jeunesse, il avait dû purger une condamnation aux galères[2]. En présence d’informations si divergentes, il est difficile de nous renseigner sur la moralité de Tassi. Nous n’avons pas beaucoup plus de facilités, d’ailleurs, pour apprécier sa peinture. À notre connaissance, du moins, il n’existe pas de tableaux de lui, et il serait peut-être imprudent de certifier l’authenticité des dessins, très peu nombreux qui, dans la collection du Louvre, lui sont attribués. Ces dessins, exécutés à la plume et rehaussés d’un

  1. Raffaello Soprani, Vite de’ pittori genovesi. Genova 1674. C’est à tort que d’Argenville, qui cite le nom de Wals, le dit élève de B. Breemberg. Ce dernier étant né, ainsi que l’a prouvé M. H. Havard, en 1599 ou en 1600, avait, à un an près, le même âge que Claude et n’aurait pu, par conséquent, être le maître de son maître.
  2. Giambattista Passeri, Vite de’ pittori che hanno lavorato in Roma, morti dal 1641 fine al 1673. Roma, 1772. De son côté, Soprani dit simplement que Tassi, ayant été appelé à Livourne, s’y était fixé. Lanzi, qui rend hommage au talent de Tassi, parle également de sa condamnation aux galères. {Storia pittorica, t. I, p. 171.