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l’une des plus vives préoccupations du contrôleur-général : il aurait fallu pouvoir, sinon les rembourser, au moins assurer leur remboursement dans l’avenir en y affectant annuellement un fonds déterminé, libre et certain. Au contraire, malgré le discrédit dans lequel ce papier était tombé, les besoins du trésor firent créer (Arrêt du 17 février 1706), pour 5 millions de nouveaux billets, sans intérêt, qui seraient remboursés à raison de 60,000 livres par jour, à compter du 1er mars 1706. On en créa d’autres. On en émit autant que les besoins l’exigèrent et en telle quantité que la circulation des espèces en fut presque interrompue. Alors on en fit de plus en plus un papier-monnaie en ordonnant (le 6 juillet 1706), que les paiemens de 400 livres et au-dessous devraient seuls être faits exclusivement en argent ; que ceux de 4 à 600 livres se feraient moitié en billets et moitié en argent ; ceux de 7, 8 et 900 livres, deux tiers en billets ; ceux de 1,000 livres et au-dessus avec un huitième seulement en argent : en même temps, pour la facilité du commerce, il était permis de couper les billets à la volonté des porteurs. Mais, trois mois après (le 24 octobre), tous les billets étaient convertis en coupures de 500 livres et de 1,000 livres et il était défendu de les comprendre pour plus du quart dans les paiemens. On ne procédait que par expédiens, allant de l’un à l’autre, suivant les besoins du moment.

La totalité des billets de monnaies en circulation s’élevait à 173 millions de livres, et leur diminution était une urgente nécessité : 25 millions furent convertis en billets souscrits par les receveurs généraux, et 25 millions en billets souscrits par les fermiers généraux, les uns et les autres payables, à compter du 1er janvier 1708, avec intérêt à 5 pour 100, à raison de 10 millions par an, ce qui les fit appeler billets à cinq ans. Ce nouveau papier jeté sur la place perdit autant que celui qu’il remplaçait, parce qu’on ne croyait pas plus à son remboursement. Il devint aussitôt l’objet d’un agiotage qui le déprécia pour le retirer à 60 ou 80 pour 100 de perte, pour l’employer ensuite à de meilleures conditions, quand même il ne parvenait pas, par ses agissemens, à le passer en compte, sur le pied du principal, au trésor, qui était obligé de le remettre bientôt en circulation. Ces spéculations furent l’occasion de grands bénéfices et devinrent, au commencement du règne de Louis XV, le motif ou le prétexte de la création d’une chambre de justice.

Après cette conversion, il restait pour 123 millions de billets de monnaies. Le trésor promit, pour en assurer le paiement, de donner 6 millions par an, à raison de 500,000 livres par mois, à compter du 1er janvier 1708 ; mais personne ne croyait que cette promesse pût être tenue, et il fut permis aux porteurs de faire convertir leurs