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c’est une pièce d’un nouveau type, un peu plus lourde et d’un titre un peu plus élevé que l’ancienne[1], et la valeur de la livre n’est plus que de 1 fr. 24 : puis, à partir de décembre 1713, l’écu subit onze réductions successives, presque de mois en mois, et n’a plus cours le 1er septembre 1715 que pour 3 liv. 10 s., tandis que la valeur de la livre, par une progression correspondante, se relève jusqu’à 1 fr. 78.

De 1689 à 1715, le cours des espèces varia quarante-trois fois, et ces variations furent alternatives : après une hausse, il y eut une période de baisse, suivie d’une nouvelle hausse, suivie elle-même d’une période nouvelle de baisse. L’écu, qui avait couru pour 3 liv. avant la réforme de 1689, monta d’abord à 3 liv. 6 s. pour ne redescendre qu’à 3 liv. 2 s. Il remonta à 3 liv. 16 s. pour ne redescendre qu’à 3 liv. 8 s. ; à 4 livres pour redescendre à 3 liv. 7 s., et à 5 livres pour redescendre à 3 liv. 10 s. Chacune de ces cinq réformes porta le cours des écus à un chiffre de plus en plus élevé et fut suivie d’une diminution, qui, sauf une fois, ne ramena pas l’écu à la valeur qu’il avait eue à la fin de la période précédente. Mais il y eut toujours entre les hausses et les baisses cette différence, que les premières s’opéraient au profit du trésor et les secondes aux dépens du public.

La monnaie de compte varie nécessairement comme les espèces réelles. Sa fixité est un principe essentiel : elle éprouva, en vingt-six ans, quarante-trois changemens qui eurent, en sens inverse, le même caractère que ceux des écus. De 1 fr. 86 avant 1689, sa valeur intrinsèque tomba successivement à 1 fr. 69 en 1689 ; à 1 fr. .55 en 1693 ; à 1 fr. 47 en 1701 ; à 1 fr. 39 en 1704 ; à 1 fr. 24 en 1709 ; et, dans chacune de ces périodes intermédiaires, pendant lesquelles elle était successivement relevée, elle ne revenait pas plus que l’écu à la valeur qu’elle avait eue à la fin de la période précédente.

Pour se faire une idée précise des effets économiques et financiers de ces variations, on peut supposer qu’une rente de 1,000 livres fût payée, par semestre, durant ces vingt-six ans : il n’y eut presque pas un paiement qui fût effectué avec la même quantité d’argent. Payée avant la première réforme par une quantité d’argent égale à 1,860 francs de notre monnaie, cette rente ne fut plus payée en 1689 que par une quantité d’argent égale à 1,690 francs ; par 1,555 francs en 1693 ; par 1,470 francs en 1701 ; par 1,390 francs en 1704, et en 1709 par 1,240 francs seulement : les deux tiers de ce que le débiteur devait autrefois donner pour acquitter son engagement. Entre chacune de ces époques, la rente de 1,000 livres

  1. L’ancien écu valait intrinsèquement 5 fr. 59, et le nouveau, à raison de son titre et de son poids, 6 fr. 23 : un peu plus du dixième en sus ; — mais la valeur légale de l’écu, qui était de 4 livres en 1704, fut élevée à 5 livres en 1709 et fut ainsi augmentée d’un quart.