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justifier, les nombreuses variations de monnaies qui ont eu lieu de 1689 à 1715.

Colbert n’avait pas fait varier les espèces monnayées : pendant son long ministère, elles ne sont l’objet d’aucune autre opération importante qu’une fabrication de pièces de 4 sols à laquelle il se laissa malheureusement entraîner, en 1674, par les embarras que lui donnaient les dépenses déjà guerre de Hollande, et dans laquelle Desmarets fut compromis. Mais, après sa mort, la question monétaire ne tarda à devenir pour le nouveau contrôleur-général une sérieuse préoccupation. La guerre et les paiemens qu’il avait fallu faire à l’étranger pour l’entretien des années avaient fait sortir une partie du numéraire, que les transactions du commerce n’avaient pas encore fait rentrer. Le manque des espèces était général, à Paris comme dans le reste du royaume, dans les caisses privées comme dans celles de l’état. Les uns demandaient que l’importation des productions étrangères fût prohibée, pour que les marchandises françaises vendues au dehors fussent payées en numéraire, et on commença à faire droit à leurs demandes en frappant de droits prohibitifs les toiles de l’Inde. D’autres disaient que, les métaux précieux circulant en France à un cours plus bas que dans le reste de l’Europe, on ne pouvait remédier au mal qu’en portant les louis à 12 livres et les écus à 3 liv. 2 s. Lepeletier, indécis et hésitant, se borna à élever (1er août 1686) le cours des louis de 11 livres à 11 liv. 10 s., en alléguant, « que les états voisins tiraient un bénéfice illicite de la fixation restée la même en France depuis 1666. » (Déclaration du 27 juillet.) Le cours des espèces d’argent ne fut pas modifié et il en résulta que le rapport entre les deux métaux monta de 14.96 à 15.64. Ce changement provoqua aussitôt de nouvelles réclamations : on se plaignit qu’il fît exporter l’argent et qu’on reçût en échange, non pas seulement de l’or, mais des marchandises étrangères, ce qui diminuait encore le numéraire. Aussi « pour rétablir la proportion entre l’or et l’argent, « les louis furent réduits à 11 liv. 5 s. (Arrêt du 20 octobre de 1687) et le rapport entre les deux métaux descendit à 15.30.

Dans les derniers mois du ministère de Lepeletier, des personnages importans proposèrent d’entrer résolument dans la voie des expédiens, d’ordonner la fonte des meubles et de la vaisselle d’argent, et de réformer les espèces, « avec un rehaussement de leur valeur ; » mais ils ajoutaient : « suivi en temps convenable d’un rabais. » Il ne s’agissait donc pas seulement de rétablir l’équilibre entre le cours des espèces, en France et à l’étranger. Les scrupules de Lepeletier ne lui permirent pas de se résoudre à une telle mesure, et il laissa à Pontchartrain, qui lui succéda le 20 septembre 1680, le soin de la prendre.