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Le louis, ou écu d’argent (au titre de 11 d 11 g 11/23, de 8 11/12 au marc), ayant cours pour 3 livres et valant intrinsèquement 5 fr. 59 de la monnaie actuelle, c’est-à-dire contenant une quantité d’argent fin égale à 5 fr. 59.

Ces espèces n’avaient alors ni titre ni poids légal. La fixité de la monnaie, qui est son caractère essentiel, puisqu’elle sert de commune mesure, devait résulter, non de ce que les espèces monnayées auraient toujours le même titre et le même poids, mais de ce que, d’une part, ce poids et ce titre, c’est-à-dire la quantité de métal qu’elles contenaient, et, d’autre part, leur valeur exprimée en livres, sous et deniers, conserveraient le même rapport. Le louis d’argent (à 11d, 11g, 11/23 de loy, ou titre, et de 8 11/12 au marc) avait cours pour 3 livres ; si on avait frappé un louis de 6 deniers environ de loy, ou de 18 au marc, ou affaibli tout à la fois de titre et de poids dans la proportion d’un quart, ce qui aurait également diminué de moitié la valeur réelle de la pièce, et qu’on lui eût donné cours pour 1 liv. 10 s. au lieu de 3 livres, le régime monétaire n’eût-point été altéré ; car la livre, le sou, le denier, qui servaient à exprimer tous les prix, auraient continué à indiquer la même quantité d’argent fin. Au contraire, en conservant au louis d’argent le même titre et le même poids, mais en élevant sa valeur légale de 3 à 4 livres, on changeait entièrement le régime de la monnaie. Dans le premier cas, la livre indiquait une quantité d’argent égale à 1 fr. 86 de notre monnaie, et, en ce sens, on peut dire qu’elle valait 1 fr. 86 ; dans le second, elle ne valait plus que 1 fr. 39. Celui qui, empruntant 100 livres, avait reçu 186 francs, s’il remboursait ces 100 livres quand la valeur de la monnaie avait été changée, se libérait en rendant une quantité d’argent égale à 139 francs seulement : 25 pour 100 en moins.

C’est cette valeur intrinsèque de la livre, déduite du cours des espèces, plutôt que ce cours lui-même, qu’il faut considérer dans les variations monétaires : c’est sa fixité qui constitue la fixité de la monnaie, — principe d’honnêteté publique qui domine le droit des gouvernemens et qu’ils ne peuvent impunément méconnaître. Ainsi l’administration pouvait modifier les espèces monnayées ; mais en réglant leur titre, leur poids, le cours pour lequel elles circulaient, elle devait s’attacher à ne pas leur attribuer fictivement une valeur légale supérieure à la quantité réelle d’or et d’argent qu’elles contenaient. Si, par suite des mutations ordonnées, la monnaie de compte variait sans cesse, si on la diminuait pour l’augmenter ensuite, si on l’augmentait pour la diminuer plus tard, on troublait arbitrairement toutes les transactions. Quand le cours des espèces était rehaussé, la valeur de la livre était affaiblie et les débiteurs y gagnaient ce que perdaient les créanciers : la réduction du cours des espèces produisait l’effet contraire. Dans tous les cas, on