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prix, et notamment celui des vivres et des fournitures de l’armée, n’avaient pas été considérablement surélevés, à raison même de ce que l’état ne payait pas ou ne payait qu’en valeurs dépréciées ou avilies. On évitait ainsi toutes les affaires extraordinaires. C’est ce qu’explique très judicieusement Forbonnais[1] en ajoutant : « On ne sauroit trop répéter que le point capital dans le maniement des finances est de veiller à la conservation du revenu national,.. et ce ne sera jamais que par un usage modéré du crédit et de l’imposition qu’on parviendra à répondre aux dépenses extraordinaires sans épuiser l’état, et à établir en même temps la confiance dans l’administration dont elle doit être le principal ressort. »

La capitation et le dixième, établis, au contraire, tardivement, tout en grevant le pays, ne le préservèrent, malgré les promesses si souvent et si solennellement renouvelées, ni des affaires extraordinaires, auxquelles on ne cessa d’avoir recours, ni des variations dans les monnaies et de l’émission désordonnée de billets royaux, remboursables à terme fixe et non payés à leur échéance, qui portèrent à toutes les transactions, et surtout à celles du commerce et de l’industrie, à l’activité et à la prospérité publiques un coup plus funeste encore, et que, pour compléter le lamentable tableau de cette triste époque de nos finances, il reste à faire connaître.


II. — LES REFONTES ET LES VARIATIONS DES MONNAIES.

Les bases fondamentales du régime monétaire n’avaient pas changé depuis le moyen âge : il comprenait toujours une monnaie fictive, ou monnaie de compte, et des espèces réelles, des pièces d’or et d’argent[2]. La monnaie de compte servait à exprimer la valeur des espèces monnayées, le prix des achats et des ventes, le montant des obligations au comptant ou à terme, en un mot, les sommes énoncées dans tous les marchés, dans toutes les transactions : c’étaient encore, comme au temps de saint Louis, la livre, le sou, le denier ; la livre valant 20 sous et le sou 12 deniers. Le poids, le titre, les empreintes, la dénomination des espèces monnayées avaient, au contraire, souvent varié. Dans les premières années du ministère de Colbert, en septembre 1666, les principales espèces étaient :

Le louis d’or (au titre de 22 k de 36 1/4 au marc), ayant cours pour 11 livres et valant intrinsèquement 21 fr. 31 de la monnaie actuelle, c’est-à-dire contenant une quantité d’or fin égale à 21 fr. 31.

  1. Forbonnais, t. II, p. 233.
  2. N. de Wailly, Mémoires sur les variations de la livre tournois.