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porter. » La répartition en sera faite, à Paris, entre les officiers de justice par les chefs des compagnies judiciaires, entre les bourgeois et habitans par le prévôt des marchands et les échevins ; dans les provinces, par les intendans et les commissaires départis : les rôles seront ensuite arrêtés en conseil. Il promet d’en faire cesser la levée six mois après la paix « et de ne faire, pendant que la guerre durera, aucunes autres affaires extraordinaires qui puissent être à charge à ses sujets. » — Comme en 1695, il assujettit en principe le clergé à l’impôt ; mais il admet qu’il s’en exonère au moyen d’un don gratuit[1], et il ne doute pas que la noblesse, « qui, dans la dernière guerre, a si libéralement contribué au soutien de l’état, ne sacrifie avec le même dévoûment les sommes auxquelles elle pourra être raisonnablement taxée à proportion de ses dignités et revenus. »

La capitation de 1695 était un impôt de quotité, puisque chaque contribuable était directement imposé à la taxe que lui assignait le tarif, et que le produit total, non fixé à l’avance, était le résultat des cotes individuelles inscrites aux rôles. Celle de 1701 devient un impôt de répartition : la somme à percevoir dans chaque généralité est arrêtée en conseil, et elle est ensuite répartie entre les contribuables par des officiers publics déterminés et, en dernier ressort, par les intendans. Cette répartition ne peut plus s’opérer exclusivement suivant le tarif de 1695, et le plus souvent elle se fait à raison des facultés des contribuables. Sous ce rapport, la capitation est plus proportionnelle aux fortunes ; mais la déclaration du 12 mars ne contient sur ce point important aucune disposition précise, et la réserve qu’elle garde a pour effet d’accroître l’autorité ou plutôt l’arbitraire des intendans. Leur correspondance avec le contrôleur-général est remplie d’observations sur la somme imposée à leur généralité et d’explications sur les procédés qu’ils suivent pour la répartir.

Le recouvrement ne s’effectue pas sans difficulté, et l’administration ne se fait pas faute de recourir à des moyens de contrainte vraiment excessifs. En Poitou, l’intendant a fait tout ce qu’il a pu pour engager, sans frais, la noblesse à acquitter la capitation. « Mais, écrit-il le 8 février 1702, les gentilshommes de cette province sont lents à payer ; j’ai même été obligé, en 1697, lors de la dernière capitation, d’envoyer, avec l’agrément du roi, dix ou douze dragons et un maréchal-des-logis pour faire payer les restes de la

  1. Le clergé paya, en 1701, 1,500,000 livres pour sa subvention annuelle, et il s’engagea à payer pour la capitation 4 millions, pendant chacune des huit années suivantes ; en 1710, il se racheta par un nouveau don de 24 millions. (Forbonnais, t. II, p. 129 et 219.)