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réconciliation de l’empirisme baconien et du subjectivisme de Kant dans la doctrine de l’immanence y a tout à fait disparu : et c’est bien là cependant le fond du cours de 1818. C’est le seul point que nous ayons voulu dégager dans.cet ouvrage si célèbre et si mal connu.


II

Le cours de 1818 n’est pas le seul document que nous ayons à notre disposition pour reconstituer la première philosophie de Victor Cousin. Quoiqu’obligé par le titre de sa chaire de rentrer dans l’histoire de la philosophie, cependant, dans les premiers mois de son dernier cours, du 6 décembre 1819 à la fin de février 1820, Cousin, avant d’aborder la philosophie de Kant, avait encore essayé de résumer en une introduction générale les principes de sa métaphysique, de sa psychologie et de sa morale. Ces leçons sont fort peu connues, et même pour une bonne part entièrement inconnues. Elles n’ont pas été jointes au cours sur Kant, dont elles avaient été l’introduction, mais avec lequel elles n’avaient aucun rapport. En 1841, M. Vacherot a publié quelques-unes de ces leçons dans une brochure de cent cinquante pages, devenue très rare et qui est restée ignorée ; ces leçons, d’ailleurs mutilées, comme nous allons le voir, ont perdu toute signification. Nous avons eu la bonne fortune de mettre la main sur le cours original et complet[1], qui contient beaucoup plus que la publication de M. Vacherot. Celle-ci, en effet, ne renferme que sept leçons, et le cours primitif en avait douze : deux de ces leçons ayant été réunies en une seule dans la publication imprimée, il reste quatre leçons entièrement inédites, et dans toutes les autres, de nombreuses différences et d’importantes additions. Le cours inédit renferme en réalité presque le double, ou tout au moins un tiers en sus du cours publié. Ces documens nous permettent de caractériser la première philosophie de Cousin avec plus de précision qu’on ne l’a fait jusqu’ici.

La première question est de savoir quelle a été la raison de ces suppressions. J’ai interrogé sur ce point l’éditeur de 1841 ; mais il n’a conservé aucun souvenir qui puisse servir à expliquer le fait. Il est très-probable que ces documens étaient déjà triés lorsqu’ils ont été remis entre ses mains. Pour nous qui pouvons les consulter, tels qu’ils ont été rédigés au moment même du cours par les élèves de l’École normale, nous n’hésitons pas à affirmer que ce sont des

  1. Nous devons cette communication à l’obligeance de M. Delcasso, ancien élève de l’École normale, ancien recteur de Strasbourg, l’an des rares témoins de ce premier enseignement de Cousin, et qui en parle encore aujourd’hui avec l’enthousiasme de la jeunesse.