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vie et sa renommée dans cette œuvre, peut-être impossible, lui fut pourtant envoyé sur un ton de simplicité confiante, le plus beau des témoignages d’estime pour une âme digne de le comprendre.

« Les nouvelles arrivées à ce moment même de Prague, et de l’armée de M. de Maillebois (lui écrivait le ministre de la guerre, le marquis de Breteuil), ont déterminé le roi à y faire partir sans délai le maréchal de Broglie, et je lui en envoie l’ordre par ce courrier, soit qu’il y conduise un détachement, soit qu’il s’y rende de sa personne. Vous croyez bien que, dans ces circonstances, Sa Majesté, qui connaît votre zèle pour son service, n’imagine pas que vous songiez à quitter le commandement de son armée. Aussi, loin de vous donner le congé auquel elle était décidée il y a quelques jours, elle me marque de vous mander formellement que son intention est que vous preniez le commandement de cette armée et que vous mettiez tout en usage pour en remonter la cavalerie, soit en tirant les chevaux de la Bohême… ou de Dresde, en un mot, comme vous le jugerez plus à propos,.. l’intention du roi étant de tirer de Bohême l’armée de Prague… le plus tôt possible. Sa Majesté sait qu’elle ne peut mettre cet intérêt en meilleure main que la vôtre pour une besogne si importante et si difficile. Elle se remet donc à vous avec une entière confiance… Cependant elle désire que cette démarche soit absolument ignorée, et, qu’au lieu de la laisser entrevoir, vous débitiez l’arrivée de trente mille hommes de recrues, motif dont je me servirai pour faire faire les dispositions de subsistance pendant la route et que nos armées trouveront toutes disposées lorsqu’il sera question de leur retour. Je n’entrerai ici dans aucun détail de ce que vous ferez, sentant qu’il suffit de faire connaître à un homme comme vous les intentions du roi pour être sûr de leur réussite. Le regret que j’ai de ne vous point voir aussitôt que je l’avais espéré est un peu compensé par les nouvelles marques que vous donnerez, en cette occasion, de votre zèle pour le service du roi et de vos talens, et le plaisir que j’en aurai. La seule personne que je ne sais comment j’oserai aborder est Mme de Belle-Isle, mais j’espère qu’elle me pardonnera à la longue, et qu’elle connaît trop mon attachement pour elle et pour vous pour me savoir mauvais gré de rien, surtout des choses qui ne peuvent que contribuer à votre gloire[1]. »

Le ministre des affaires étrangères, Amelot, entrant dans un peu plus de détail sur la situation politique, concluait avec la même

  1. Breteuil à Belle-Isle. (Correspondance de Belle-Isle avec divers. Ministère des affaires étrangères.) — La lettre de Breteuil porte la date du 11 octobre, qui est évidemment erronée. A cette époque, on attendait encore à Paris la jonction de Maillebois et de Broglie à Prague même, et il n’y avait aucune raison de donner à ce dernier l’ordre de quitter précipitamment son armée.