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de chemins de fer, ou bien que, si l’emprunt avait lieu, il comprendrait en bloc toutes les sommes nécessaires à l’ensemble de nos dépenses extraordinaires pour une longue période et signifierait la fermeture définitive du grand grand-livre de la dette publique. Toutes les mesures seraient prises alors pour que l’opération conçue sur ce plan grandiose présentât le caractère d’une imposante manifestation en faveur du crédit national. Enfin les haussiers, voyant les cours des rentes se relever sans trop de peine et le 4 1/2 se rapprocher de 106 francs, ont prêté une oreille complaisante à des bruits annonçant. comme imminente la prise de Bac-Ninh par l’amiral Courbet.

La place risquait ainsi, après avoir failli sombrer dans la désespérance, de tomber dans une exagération manifeste d’optimisme. Elle a été ramenée au sentiment de la réalité par des dépêches de Hong-Kong laissant entendre que la marche sur Bac-Ninh n’a pas encore eu lieu et que cette position ne sera peut-être attaquée qu’après l’arrivée des derniers renforts. En ce qui concerne l’emprunt, le public est tenu dans l’incertitude la plus complète, le gouvernement ayant fait déclarer officieusement qu’il n’avait pas encore délibéré sur la date de l’opération. Ce n’est qu’avec beaucoup de peine que le budget de 1884 a pu être voté in extremis. Il a fallu pour cela que le sénat renonçât à toute discussion générale, et que la chambre acceptât certains crédits qu’elle avait supprimés et que la haute assemblée a rétablis. Grâce à une véritable abnégation du sénat, le gouvernement a pu éviter le recours à l’expédient des douzièmes provisoires, au moins pour le budget ordinaire ; mais les conditions dans lesquelles les recettes et les dépenses viennent d’être législativement arrêtées n’en sont pas moins déplorables et forment un fâcheux prélude à l’opération de l’emprunt.

Quoi qu’il en soit, les rentes et valeurs vont être cotées le dernier jour de 1884 en reprise sensible sur les cours du milieu du mois ; mais cette amélioration n’est que très relative, et les prix actuels sont en quelque sorte les plus bas de l’année si l’on ne tient compte que des cours successifs de compensation de mois en mois.

Il y a un an, le 3 pour 100 valait 79 francs, l’amortissable 80 fr. 75, le 5 pour 100, 114 fr. 80. Les cours actuels étant 75.70, 77.80 et 105.70, on voit que les deux premiers fonds ont perdu de 3 francs à 3 fr. 50, et que la conversion a valu au dernier un recul de 9 francs représentant à peu près exactement la capitalisation du demi-point d’intérêt qui a été retranché aux rentiers. Il est vrai qu’il y a un an le 5 pour 100 était sous le coup d’une conversion immédiate, tandis que le 4 1/2 aujourd’hui est garanti pendant dix ans contre une réduction nouvelle. De cette différence de situation on ne retrouve aucune trace dans la comparaison des coure d’une année à l’autre.