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remarquer que, de tout temps, ces engins ont été accusés d’avoir amené la dépopulation des eaux, parce que de tout temps les pêcheurs se sont plaints de l’insuffisance de leurs bénéfices. Les filets traînans ont été interdits dès Henri III, en vertu d’un édit de 1584 ; cette interdiction a été renouvelée par l’ordonnance de 1681, puis par la loi de 1790, mais toujours sans succès, parce que ces prescriptions ont toujours été méconnues, clandestinement d’abord et le plus souvent avec la tolérance des autorités locales et l’adhésion de l’administration supérieure. En fait, la liberté a été toujours à peu près absolue, sans qu’on ait réellement eu à se plaindre des résultats. Il en a été de même en Angleterre, où une enquête a également été ouverte à ce sujet en 1866. On a reconnu à cette occasion que, sans l’emploi de filets de fonds, une grande quantité de poissons échapperaient, ce qui diminuerait d’autant l’approvisionnement des marchés. Il est certain qu’il n’y a pas d’engins de pêche qui ne détruisent inutilement un certain nombre de poissons ; mais cette destruction n’a jamais amené le dépeuplement des eaux de la mer ; et en ce qui concerne en particulier les filets traînans, c’est tout au plus s’ils ont pu produire une diminution temporaire dans certaines localités.

Quoi qu’il en soit de ces appréciations, il est certain qu’en pleine mer, quand les fonds le permettent, l’usage des filets traînans ne peut avoir aucun inconvénient ; il n’est, d’autre part, pas douteux qu’il en a de très sérieux sur le littoral, parce qu’il détruit le frai qui se trouve déposé dans les fonds peu profonds ; il est difficile, aussi, de ne pas se rendre au sentiment général des pêcheurs, qui attribuent le dépeuplement des côtes à l’inobservation des règlemens sur la pêche. C’est à cette conclusion qu’est arrivée la commission du sénat, qui trouve ces règlemens suffisans et se borne à émettre le vœu qu’on les fasse observer strictement.

Le décret de 1862, en effet, proscrit l’usage des filets traînans, sans autorisation spéciale, à moins de 3 milles des côtes ; c’est laisser au poisson un espace suffisant pour frayer ; au-delà de ces 3 milles, les dommages que peuvent causer ces filets sont peu appréciables. Ce décret permet également au préfet maritime d’empêcher la pêche sur certains points des côtes, pendant un laps de temps déterminé, et par conséquent d’établir des réserves qui, à l’époque du frai, seraient interdites aux pêcheurs et favoriseraient ainsi le repeuplement du littoral. On a constaté, en.effet, que partout où la pêche a été momentanément interrompue, le poisson s’est multiplié rapidement, et l’on cite notamment la partie de la rade de Toulon comprise dans la zone des poudrières de la marine, où la pêche est interdite, comme extrêmement poissonneuse. Enfin, il dépend absolument de l’autorité d’exercer sur les côtes une surveillance plus