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dont la commission d’enquête nommée par le sénat a eu à s’occuper pour se rendre compte des conditions dans lesquelles s’exerce la pêche maritime et des moyens d’en augmenter le rendement.

Il a été reconnu tout d’abord qu’il n’y avait aucune mesure à prendre pour la pêche, du large. Nos marins s’y trouvent en présence des marins étrangers, et toutes les restrictions qu’on leur imposerait ne pourraient que les gêner sans influer sur la production générale, puisque les derniers n’en tiendraient aucun compte. D’ailleurs les poissons qui habitent la haute mer se reproduisent en telle abondance que, quels que soient les moyens de pêche employés, il n’y a pas à en redouter la diminution. S’ils résistent aux causes de destruction multipliées auxquelles ils sont exposés, ce n’est pas l’emploi de filets traînans ou à mailles serrées qui pourra en réduire le nombre.

Il ne paraît pas non plus qu’il soit possible, pour augmenter la quantité de poissons, de recourir aux procédés de fécondation artificielle dont on fait usage pour les poissons d’eau douce. Toutes les tentatives faites à ce sujet, notamment à Westminster, ont échoué, car les alevins sont si petits au moment de l’éclosion qu’on ne peut ni les conserver dans des lieux clos, ni leur donner la nourriture qui leur convient. La pisciculture marine ne saurait donc comprendre que l’élevage du poisson dans des viviers, ainsi que nous l’avons indiqué dans le cours de cette étude, et l’éducation artificielle des huîtres, qui est aujourd’hui pratiquée sur une très grande échelle. Sous ce rapport, la commission du sénat n’a pu que constater ce qui existe et n’a eu à proposer aucune mesure nouvelle pour donner à cette industrie une plus vive impulsion ; elle pense qu’il faut la laisser se développer spontanément suivant l’état des marchés et les exigences de la consommation. C’est donc spécialement sur la pêche côtière et sur les mesures de protection qu’elle réclame que la commission sénatoriale a fait porter ses investigations. Elle a entendu dans son enquête, non-seulement les représentans des divers syndicats de pêcheurs et les commissaires de la marine, mais toutes les personnes ayant quelque compétence dans ces questions qui ont manifesté le désir de donner leur avis. Les opinions émises ont été très contradictoires ; nous allons les résumer en peu de mots.

M. Bouchon-Brandely, secrétaire du Collège de France, qui a été chargé par la commission de parcourir le littoral de la Méditerranée, déclare que l’appauvrissement du rivage est un fait indéniable ; que les poissons se sont éloignés des côtes et que pour la pêche il faut aller les chercher au large. Parmi les causes de cette disparition il cite en première ligne l’emploi des filets traînans qui labourent le fond de la mer et dévastent les frayères. Ce qui, aux yeux