Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’eau, dont la pièce principale, de un ou deux kilomètres de longueur, est perpendiculaire au rivage et aboutit à une enceinte de filets formant un labyrinthe. A l’extrémité de celui-ci, est le corpou ou chambre de mort, dont le fond est tapissé d’un filet mobile qu’on relève au moment voulu. Les thons qui naviguent par bandes s’engagent entre la madrague et la terre ; arrêtés par le filet perpendiculaire, ils pénètrent dans le labyrinthe, dont les enceintes successives se referment derrière eux et arrivent jusqu’au corpou, où les pêcheurs les attendent pour les harponner. La madrague, d’invention phénicienne, est également en usage sur les côtes d’Espagne et d’Italie ; elle couvre une superficie assez étendue, coûte au moins 50,000 francs et exige un entretien dispendieux en raison des. dégâts qu’y commettent les requins et les marsouins. L’état se fait payer annuellement une redevance assez élevée pour l’occupation de l’emplacement de la madrague ; mais il se montre assez avare de concessions nouvelles, parce que les autres pêcheurs se plaignent du tort que leur cause ce genre dépêche et surtout parce que les madragues sont un obstacle à la navigation et ont plusieurs fois failli causer la perte de bâtimens. Il n’en existe plus aujourd’hui que 16 sur notre littoral.

Le long des côtes de France se trouvent un grand nombre d’étangs salés qui sont dus à l’accumulation des sables sur le littoral[1]. Dans le bassin de la Gironde notamment, ces sables forment des dunes qui empêchent l’écoulement des eaux pluviales, donnent naissance à une suite d’étangs parallèles au rivage, communiquant avec l’océan au moment des marées. Comme ils sont une cause d’insalubrité, on en avait proposé le dessèchement au moyen d’un canal qui, partant du bassin d’Arcachon, traverserait de part en part les étangs situés au nord de celui-ci et viendrait déboucher dans la Gironde. Quant aux étangs situés au sud, ils auraient été desséchés au moyen de canaux ouverts directement sur la mer. Ces projets ont dû être ajournés et céder le pas à des travaux considérés comme plus urgens. Le plus important de ces étangs est celui d’Arcachon, qui a une superficie de 14,660 hectares ; placé à l’embouchure de la Leyre, il communique avec l’océan et présente une profondeur moyenne de 8 à 9 mètres à marée haute et de 4 à 5 mètres à marée basse, avec une certaine étendue de fonds émergens. Il appartient à l’état, qui y concède des terrains, pour l’établissement de viviers et de parcs à huîtres ; la pêche y est exercée comme en mer par les marins de l’inscription maritime et produit environ pour

  1. On évalue leur contenance totale à 94,000 hectares, dont 32,000 hectares le long des côtes de l’océan, 58,000 hectares le long de celles de la Méditerranée et 4,000 hectares en Corse.