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II

La pêche maritime comprend la grande pêche, qui s’exerce au loin, et la pêche côtière, qui se pratique à peu de distance du littoral. Cette dernière, qui ne nécessite que des bâtimens d’un faible tonnage, a surtout en vue les espèces sédentaires. La première, au contraire, qui exige des arméniens d’une certaine importance, ne comprend plus aujourd’hui que la pêche de la morue, et dans une certaine mesure celle du hareng. Autrefois on y aurait ajouté la pêche de la baleine ; mais la diminution du nombre de ces animaux, qu’il faut actuellement poursuivre jusque dans le voisinage des pôles, a réduit chez nous les arméniens à un chiffre insignifiant. Cette pêche est aujourd’hui le monopole des Anglais et surtout des Américains, qui, chaque année, y emploient encore de nombreux navires.

La morue (gadus morrhua) est un poisson du Nord ; elle semble cantonnée pendant l’hiver dans l’Océan-Glacial Arctique, où elle cherche, à une profondeur de 1,300 mètres à 1,400 mètres, la température constante de 4° 17 due aux courans chauds inférieurs. Du commencement de mai à la fin d’août, elle remonte à la surface et voyage en masses profondes ; une partie descend par le détroit de Behring dans la mer de ce nom, sans jamais dépasser le 50e degré ; le surplus se rend par les détroits de Smith, de Lancastre, d’Hudson et de Davis, dans la mer de Baffin et l’Océan-Atlantique jusqu’à l’île de Terre-Neuve, d’une part, l’Islande et la Mer du Nord, d’autre part, sans franchir jamais les courans chauds du gulf-stream. Ces légions, toujours précédées de leurs guides qui indiquent la route à suivre, conservent un ordre invariable ; les femelles se tiennent plus près de la surface que les mâles ; elles laissent échapper en pleine mer leurs œufs, qui sont fécondés avant d’atteindre le fond par le liquide que ces derniers, placés au-dessous, ont sécrété sur leur passage.

Pendant longtemps, la France, propriétaire des côtes de l’Acadie, du cap Breton, du golfe Saint-Laurent, de Terre-Neuve, avait les pêcheries les plus florissantes du monde ; mais, dépouillée de ses colonies, elle n’a plus pour exercer cette industrie que les îles Saint-Pierre et Miquelon et un droit de pêche sur les côtes est et ouest de Terre-Neuve, aujourd’hui à l’Angleterre. Ce droit comporte la faculté de descendre à terre pour y préparer et sécher le poisson, mais sans pouvoir y faire d’établissement permanent. Les pêcheurs français font encore la pêche de la morue dans la Mer d’Islande et quelquefois aussi sur le dogger-bank, grand banc qui se trouve dans la Mer du Nord, entre la Grande-Bretagne, la Hollande et le Danemarck. Ce sont surtout les marins des côtes de la